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Opinion/Amina Gerba: la beauté d’être immigrante quand on en avait oublié la douceur

Faire la promotion du potentiel économique du continent africain et ses attraits, et encourager le développement des relations entre les secteurs privés en Amérique du Nord et en Afrique, telle est la spécialité de la présidente-directrice générale d’Afrique Expansion. De nombreux honneurs et distinctions pour Amina Gerba, mais aussi et surtout une grandeur qui semble résider dans son chromosome de mère de famille ayant la soif de partage et dont le savoir-faire peut assurément servir de source d’inspiration et d’appui aux jeunes entrepreneurs.

Lorsque l’on pénètre dans le siège social d’Afrique Expansion Inc, il y a d’abord ses murs qui reflètent les années de bâtissage. Ensuite, chaque moindre détail en vaut le coup d’œil et dévoile le parcours pertinent que celui d’une femme d’affaires, d’une épouse, d’une mère au talent aussi certain que tranquille.
Ce décor n’existait pas encore vers la fin des années 80 puisque c’est l’année où l’entrepreneure canadienne d’origine camerounaise quittait le Cameroun pour le Canada avec son mari Malam Gerba. C’est auprès de ce professionnel de l’information qu’elle trouve la force et le courage de s’engager sur une voie peu commune aux femmes africaines à l’époque.
Profitant de son audace précoce, Amina qui est issue d’une famille polygamique de 19 frères et sœurs, s’impose avec brio et casse les murs de l’illettrisme de la jeune fille n’hésitant pas à s’accrocher sur les manuels scolaires de ses camarades de classe plus aisés.

Petit à petit, l’entrepreneure fait son nid

Souvent, les succès sont facilement connus de tous mais rarement les chemins de galère et d’endurance de leurs auteurs. Ainsi, Amine Gerba ne lâche pas.
Dès son Arrivée au Canada, celle qui estime « n’être pas née avec une cuillère dorée dans la bouche » commence à parler d’égale à égale avec
les études. Les succès s’enchaînent et le plus récent dans ce rayon : un Master of Business Administration (MBA) à l’Université du Québec à Montréal.
Ainsi, cette amatrice de la couleur rouge ne la choisit pas à la légère. Et encore moins au hasard. Pour elle, le rouge c’est la joie, la vie. Pour ce faire, en multipliant les réussites sur le plan académique, elle donnait au même moment la vie à chacun de ses quatre enfants. À ce propos, elle dit tout amusée : « J’ai eu quatre enfants et autant de diplômes ». Derrière cette harmonie, il y a eu des embûches certes, il y a eu Amina, et surtout son époux dont elle souligne l’apport considérable.
Le courage de cette combattante est si évident que l’on ne doute pas qu’il appelle de grandes ambitions et réalisations.

Amina Gerba prend son envol

Partie de rien, elle se mesure dorénavant à ces hommes d’affaires dont le sacerdoce se résume à l’audace, la passion, la créativité et la persévérance.
Dans l’univers très masculin des affaires, comment elle s’y perçoit ? « Je me considère comme entrepreneure au même niveau qu’un homme. Pour moi, je ne le vois pas comme un travail d’homme ou de femme. Je suis entrepreneure tout comme eux. »
En joignant la parole à l’action, une série d’engagements voient le jour. D’une part, Afrique Expansion Inc en 1995 qui est une société de consultation dont l’objectif est de promouvoir les relations et les partenariats d’affaires entre les entreprises canadiennes et africaines. Et d’autre part, Afrique Expansion Magazine qu’elle cofonde avec son conjoint Malam Gerba ancien journaliste de renom, dont le but est de faire circuler l’information sur la grande mission commerciale africaine en Amérique du Nord.
Le fil conducteur de ses entreprises : Amina constate jusqu’à quel point le potentiel du marché africain (les richesses africaines) demeure invisible dans les médias, au mieux secondaire.
Son sens développé des affaires la motive à combiner ces deux activités avec des produits de beauté. Partie en mission au Burkina Faso, son sens développé des affaires la pousse à apprivoiser le beurre de karité. Suite à cela naîtra au Canada un laboratoire de produits capillaires naturels certifiés biologiques sous les noms de « Kariliss » et « Kariderm». Toutefois, Amina ne s’arrête là. Après ces trois initiatives, une étonnante idée naît dans son esprit et ouvre la voie à la création de Forum Africa. Ce dernier, lancé en 2003, est une importante plateforme nord-américaine de rencontres internationales pour les investissements en Afrique. Traditionnellement, il attire entre autres les présidents de société, les décideurs africains et canadiens de renom, les conférenciers de divers horizons telles la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et la Banque Africaine d’import-export.

Donner au suivant

Cette Chevalière de l’ordre national du Québec affirme avec humilité qu’en affaires, le succès est insignifiant si l’on ne partage pas. Une logique gagnante pour l’une des 25 femmes d’influence au Québec selon le journal les Affaires, qui le prouve bien dans ses œuvres caritatives.

« C’est dans le regard d’un enfant, rempli de joie et d’espoir, que nous trouvons notre motivation », ces mots sont de la Fondation Gerba. Ce dernier est un organisme à but non lucratif que l’entrepreneure a mis sur pied dans la province québécoise et dont les actions se font au Cameroun afin de faciliter l’éducation aux enfants en milieux défavorisés. Encore là, ce n’est pas tout. En créant la marque de produits de beauté Kariderm, Amina a lancé un programme d’envergure qui réduit considérablement l’indigence des femmes Burkinabé productrices du beurre de karité. Le principe est donc le suivant : une part des profits de la vente des produits Kariderm est versée dans un fonds de solidarité à l’usage exclusif de ces ouvrières avec pour but d’avoir la gratuité des médicaments. Parallèlement, les Laboratoires Kariliss, pour protéger la dignité de ces petits producteurs, leur offre une avance sous-forme de micro-crédit leur permettant de financer l’achat de leurs matières premières. Au départ ces initiatives venaient en aide à 20 femmes. Aujourd’hui, elles sont plus de 2000.

La force tranquille

Même si la réussite gravite autour de la vie familiale et professionnelle de cette lauréate du mois de l’Histoire des Noirs, elle reconnaît qu’être « Immigrante-Femme-Noire » est un triple combat.
Elle est restée résolument tournée vers le défi de l’intégration dans sa société d’accueil, le Québec. L’enjeu est de taille : il faut sans cesse se battre pour y faire sa place. Le deuxième défi est celui de se faire accepter et être respectée dans un milieu en majorité masculin que ce soit en Occident ou en Afrique. Enfin sur les questions raciales, il « faut travailler doublement pour se faire reconnaître et être appréciée à sa juste valeur ».
Celle qui fait partie du Top20 de la Diversité 2014 du Québec selon l’Agence de presse Média Mosaïque déplore la stigmatisation faite aux personnes de couleur noire et reconnaît que le racisme est présent partout sur la planète. Selon elle, pour faire tomber les stéréotypes, la lutte est double : d’abord aux Noirs de s’unir et de se démarquer sans arrêt et puis aux médias de s’illustrer aussi par des images plus valorisantes que celle de l’éternelle pauvreté de cette race-là. Une position dont cette entrepreneure a elle-même su faire preuve : « Il faut se battre partout où on est, montrer qu’on est capable, essayer également d’être de bons modèles », assure t-elle.

Pour une Afrique qui ose
Le sens de la créativité, Amina Gerba en a à revendre. « Rêver tant qu’on est en vie », c’est son truc. Et si elle est très à l’écoute des secteurs avantageux, elle l’est aussi pour les jeunes entrepreneurs soucieux de sauter le pas dans les affaires. Quel secteur d’activité est le plus alléchant est la question qui taraude certains. Sa recette, là voici : une idée de projet en premier, ensuite la soumettre à des personnes morales ou physiques qui croient essentiellement en vous, et enfin débattre du bien-fondé de cette idée qui prendra son envol au bout d’un moment. Le plus important étant de suivre son instinct.
La femme d’action rigoureuse et organisée pense qu’il est grand temps pour les Africains d’expérimenter d’autres avenues comme le numérique et l’agriculture entre autres.
Elle espère qu’avec la création de l’Agence de Promotion des Investissements dont les résultats font déjà leur bonhomme de chemin, le potentiel humain et naturel dont est doté son Cameroun natal aura une position plus décente sur la scène économique internationale. Ainsi, l’Île Maurice aujourd’hui peut se vanter d’être parmi les pays qui récoltent les fruits « d’une zone franche bien établie parce qu’elle a ouvert son marché à l’investissement étranger », commente-elle.
Fort heureusement, pour bâtir une cité dans les affaires, l’aventure concerne aussi bien les hommes que les femmes. Sur la Journée Internationale de la femme, Amina Gerba est optimiste malgré le travail qu’il reste à faire. La période où elle débutait dans le monde des affaires, il y avait beaucoup moins des personnes de la diversité. En effet de nos jours, de plus en plus de femmes Noires choisissent cette voie. Au Québec certaines structures viennent en aide aux groupes moins bien représentés à l‘instar de Femmes Essor pour la gent féminine et du fonds Afro-Entrepreneurs pour les personnes des communautés noires de la province.
Qui a dit que l’entrepreneure ne sait pas joindre l’utile à l’agréable ? Et bien, pour se détendre, elle plonge dans les livres de son auteur favori Jean-Louis Roy, Ancien Secrétaire Général de l’Agence de la Francophonie (1990-1998) et ancien directeur du Devoir (1980-1986). Même entre deux avions, il n’est pas rare pour Amina de trouver le temps nécessaire d’informer ses enfants sur les activités de la compagnie. Certains parmi eux ont par conséquent joint leurs talents à l’entreprise familiale, alors que d’autres ont fondé leurs propres boîtes. Les lois de la génétique semblent bien être appliquées dans la famille Gerba. La chose la plus révélatrice est que sa plus grande crainte est d’être malade parce que sans la maladie « tout peut être surmonté » tant qu’on revêt la santé nécessaire. Dans ce cas, souhaitons-lui que ses multiples projets ainsi que le village touristique qu’elle rêve de construire au Cameroun soient choses concrètes, parce qu’entre le Canada et l’Afrique, il n’y a qu’un pas. La preuve? Elle s’y rend comme si c’était le magasin du coin. Comme quoi, on n’oublie pas d’où on vient.

Par Christelle De Bough

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