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S’ouvrir ou périr: l’économie des pays africains à l’épreuve

Plus de 80% des exportations africaines partent à l’étranger, principalement vers l’Union Européenne, la Chine et les États-Unis. Difficile de s’en passer, le secrétaire exécutif de la Communauté Economique pour l’Afrique considère qu’il faut plutôt « un protectionnisme sophistiqué » qui vise le juste équilibre ». Autrement, nous continuerons de nous agiter, de vouloir le beurre et l’argent du beurre sans jamais nous donner les moyens d’une subtile escapade. Beaucoup d’efforts doivent être orientés prioritairement vers la réduction de la dépendance vis-à-vis de ces rentrées de devises et des produits importés, mais aussi vers la réduction des barrières non-tarifaires qui freinent les échanges intra-africains.

Les pays riches prônent le libre échange et un marché concurrentiel auprès des pays pauvres pour mieux capturer une plus grande part de marché en Afrique. Les africains, liés par des accords commerciaux ne peuvent toutefois pas faire du protectionnisme aveugle. Il leur faut, dès lors, un « protectionnisme intelligent ». L’Organisation Mondiale du Commerce a publié en juin 2016 une étude qui montre la progression rapide des restrictions au libre échange par les pays du G20. Entre octobre 2015 et mai 2016, les économies du G20 ont mis en place 145 mesures restrictives.

Il existe, selon Sébastien Jean, directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales, 271 accords commerciaux en vigueur dans le monde. Imaginons qu’un pays comme le Sénégal décide de protéger ses quelques industries dans le but de fermer ses frontières à l’importation. Les entreprises ainsi protégées ne pourront, en retour, que profiter du marché domestique de petite taille, réduit et pas trop solvable. Un marché surprotégé est un marché réduit. Par ailleurs, les intrants dont auront besoin les mêmes industries protégées seront acquis à des prix très élevés. Ainsi leur productivité et la croissance de leur productivité en seront forcément affectées au point que les mesures s’avéreront inefficaces en bout de ligne.

Certes, le protectionnisme a contribué au décollage des « dragons » asiatiques, mais celui-ci ne saurait garantir à lui seul le développement d’un pays. L’Éthiopie a démontré sa faculté à se frayer un chemin vers l’industrialisation. C’est le « modèle d’État développementiste », en contrôlant, en dirigeant et régulant son économie. Sa politique économique repose sur des mesures fiscales et non fiscales qui cherchent à promouvoir les exportations et à attirer les investissements directs étrangers. Depuis 2006, le secteur manufacturier de l’Éthiopie a augmenté en moyenne de plus de 10% par année.

Néanmoins, cette politique le prive de ressources budgétaires nécessaires pour investir dans les infrastructures et services publics que réclament ses entreprises. Afin de rationaliser les opportunités d’investissements, le pays impose des taxes plus réduites sur les matières premières et les produits semi-finis venant de l’extérieur. Ce qui fait que sa balance commerciale continue de se creuser du fait de son économie portée par les investissements et qui encourage très fortement les importations. C’est ce qui explique l’avènement du plan de croissance et de transformation (GTP) mis en place pour 2015-2020, dans le but d’encourager la fabrication des produits de substitution pour augmenter la production intérieure et réduire ainsi les sorties de devises.

L’Afrique est aujourd’hui moins industrialisée qu’elle ne l’était il y a 40 ans. La contribution du secteur manufacturier à la croissance du PIB est passée de 12% en 1980 à 11% en 2013. Pourtant, seul l’accroissement de la valeur ajoutée manufacturière peut réduire significativement la pauvreté. Pour ce faire, il faut surtout des débouchés intéressants. S’enfermer, ce sera pour nos entreprises locales de produire à perte ou trop peu pour subsister. S’ouvrir sans garde-fou ni malice est un suicide. Il y a bel et bien moyen de faire espérer les boursicoteurs, même de leur faire gouter de temps en temps le miel africain pour, à chaque fois, leur taillader la langue. Pas beaucoup, juste un tout petit peu et à répétition. C’est ça le protectionnisme intelligent.

Birame Waltako Ndiaye

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