Montréal: la diversité, la grande absente des Grands Prix du journalisme de la FPJQ
« Dans une maison qui n’a pas de fenêtres, il fait sombre et ça sent le renfermé. »
– Jean-François Lépine
Dimanche le 12 mai dernier, la journaliste, recherchiste et animatrice Chan Tep s’est exprimée sur les ondes de CBC afin de dénoncer l’absence de diversité culturelle dans les nominations au Gala Artis 2019. Je suis étudiant au Certificat en journalisme à l’Université de Montréal et l’indignation de Chan Tep rejoint directement celle qui m’habitait à la sortie d’un autre gala, celui des Grands Prix du journalisme de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ).
Journaliste en début de carrière, j’ai été surpris par le manque de diversité et de représentativité de ce gala qui vise à récompenser l’excellence journalistique et qui se tenait le 5 mai dernier au Gesù. À mes yeux, l’événement atteste d’une institution médiatique en porte-à-faux avec le journalisme actuel dans toute sa pluralité et surtout avec les réalités auxquelles il a comme mission de donner voix.
Assurément, le constat que fait Chan Tep au sujet de l’absence de diversité dans les récompenses au Gala Artis peut aussi s’appliquer aux Grands Prix du journalisme de la FPJQ. Par ailleurs, la nature et les modes d’attribution des prix privilégient le journalisme qui se pratique au sein des médias établis et relèguent en marge, voire écartent complètement des pans entiers de la profession. Quelle place pour les médias indépendants?
Comme étudiant universitaire, journaliste et aussi comme citoyen, j’évolue chaque jour dans des milieux qui regorgent de diversité sociale, culturelle et médiatique. Milieux où fusent le talent et la détermination. Au théâtre Gesù, j’avais impression le 5 mai dernier d’un contexte si unanimement blanc et si uniforme qu’il s’en trouve à des années-lumière.
Comme un grand nombre de mes collègues, je travaille souvent pour des médias indépendants, une sphère multiple en plein essor et qui gagnerait certainement à mieux être mise en lumière. Au moment où de nouvelles plateformes jouent un rôle fondamental en information, comment expliquer leur effacement lors des Grands Prix du journalisme de la FPJQ?
Si les modèles traditionnels connaissent une crise inédite, le journalisme indépendant et la recherche de nouvelles formules ouvrent d’autres horizons. On doit chaque jour à des médias indépendants la diffusion d’informations fondamentales à l’intérêt public. Dans bien des cas, il s’agit d’un journalisme rigoureux qui rend compte d’enjeux sociaux ou encore des conditions de vie des moins nantis. Également, il se trouve régulièrement au diapason d’une multitude d’initiatives artistiques et culturelles qu’il fait découvrir à divers publics.
Enfin, il me semble que les sujets des reportages primés lors du gala témoignent aussi d’un prisme de reconnaissance qui s’en tient à l’institution. Exemple à mon avis éloquent, ce segment de près d’une trentaine de minutes en milieu de cérémonie pour la remise des Prix du journalisme en loisir. Des prix décernés directement de la main du sous-ministre adjoint au Loisir, au sport et à l’aide financière aux études, Robert Béland (comment s’empêcher de voir ici une contradiction par rapport au devoir d’indépendance de la presse vis-à-vis de l’État?) à des reportages portant sur le tourisme et des activités parfois aussi coûteuses que le surf. S’agirait-il de la condition privilégiée des journalistes des médias établis qui s’exprime à travers une telle orientation?
À la sortie du Gesù, j’avais l’impression de deux mondes tout à fait distincts. Loin de ce public de messieurs-dames que je quittais, la fraîcheur de la ville, dans toute sa beauté et sa diversité qui lui échappent si bien.
Par Alexis Lapointe
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