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Togo: une interpellation qui en rajoute à la crise politique

Ihou Wateba, vice-doyen de la faculté des sciences de la santé (FSS) de l’université de Lomé

Depuis le mardi 13 mars les hôpitaux, les établissements scolaires des enseignements primaires et secondaires publics sont secoués par une grève sèche. C’est la réponse immédiate du Syndicat national des praticiens hospitaliers du Togo (SYNPHOT) et de la Synergie des travailleurs du Togo (STT) au Service de recherche et d’investigation (SRI) qui a arrêté le docteur Ihou Wateba, infectiologue et vice-doyen de la faculté des sciences de la santé (FSS) de l’université de Lomé et deux de ses étudiants. Une interpellation qui en rajoute à la situation politique déjà tendue.

C’est l’issue que le SRI, cette police fonctionnant sur des méthodes propres à lui, n’a pas entrevu. Cela l’a probablement échappé.
En s’introduisant dans les affaires académiques, le service de renseignement et de recherche qui, n’a pas bonne image au sein de la population togolaise, l’a davantage écornée. Tout est parti d’une interpellation du Dr Ihou Wateba.

Le 06 mars 2018. Le vice-doyen de la FSS est interpellé et détenu à la Gendarmerie sur les instructions du SRI. Il est reproché à l’infectiologue d’avoir favorisé certains de ses étudiants au détriment d’autres. Le lendemain de son interpellation, deux de ses apprenants, Léontine Amoudzi Tamekloe et Cédric Yann Foly Dosseh sont interpellés.

Le père de ce dernier, David Dosseh, professeur à l’université de Lomé, est très engagé au sein de la société civile.
Selon certains analystes, son engagement agace les autorités togolaises et elles cherchent un moyen de le réduire au silence. Pour eux, l’interpellation d’Ihou Wateba viserait en réalité à mettre un frein à l’activisme de David Dosseh qui a été écouté par le SRI avant d’être relâché dans l’affaire des notes « truquées » qui agite la faculté des Sciences de la santé.

Comment une affaire académique puisse être transportée à la police ? C’est cette question qui taraudait l’opinion à Lomé à mesure que l’affaire prenait de l’ampleur.

Vendredi 9 mars, à la suite d’un malaise du vice-doyen dans les locaux de la Gendarmerie, le SYNPHOT et la STT ont exigé la libération immédiate de leur camarade Ihou Wateba et ses étudiants. Les deux syndicats ont menacé le gouvernement d’une grève sèche.
Mais, les autorités togolaises souscrivant, dit-on, aux procédures d’enquêtes enclenchés par le service de renseignement et d’investigation, n’ont pas pris la menace au sérieux. Mal leur en a pris. Car à l’appel de leur syndicat le lundi 12 mars 2018, les praticiens ont massivement répondu présents et unanimement décidé d’une grève sèche à compter du lendemain.

« Il n’y aura pas d’admission dans aucun service, ni dans les urgences, il n’y aura pas de service de garde, la morgue est fermée », a déclaré Dr Gilbert Tsolenyanu, l’un des membres influents du SYNPHOT. Cependant, a-t-il ajouté, « Les services stratégiques que sont la réanimation, le service d’hémodialyse et le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) continueront à travailler ». D’un ton ferme Dr Atchi Walla, le Secrétaire général du SYNPHOT a renchéri. « C’est notre corporation qui a été attaquée et nous devons donner la réponse à la hauteur de l’attaque », a-t-il dit.

Conséquence immédiate. Les centres de santé publics au Togo sont frappés depuis le mardi dernier d’une grève sèche. Dans la foulée, l’administration ainsi que les établissements scolaires sur toute l’étendue du territoire sont paralysés par le mot d’ordre de grève de la STT.

Professeur Dodzi Kokoroko, en pompier?
« Nous n’acceptons pas que tous les dossiers, tous les règlements académiques au sein de l’Université soient bafoués et qu’on utilise ceux-là pour régler des comptes à des collègues dans la corporation », a protesté Dr Atchi Walla, qui donne des cours à l’université de Lomé.
Sa déclaration est en réalité ce que beaucoup de Togolais pensent tout bas depuis que l’affaire des notes défraie la chronique alors qu’une certaine accalmie est observée sur le plan politique à la suite de la mise en veilleuse du 27ème dialogue.

En effet, pour certains Togolais, sans le dire distinctement, le Prof Dodzi Kokoroko, président de l’université de Lomé aurait joué un rôle trouble dans l’interpellation du Dr Ihou Wateba. Ils se demandent pourquoi une telle affaire n’a pas été réglée au sein du campus universitaire qui dispose pourtant des mécanismes disciplinaires.

L’opinion en était là quand, quelques heures après l’annonce de la grève du SYNPHOT, un communiqué de la présidence de l’UL signé du Prof Dodzi Kokoroko invite à la sérénité et à l’optimisme. « La présidence de l’université de Lomé appelle (…) la communauté universitaire au calme, à la retenue et à la sérénité dans le respect de la présomption d’innocence et la recherche de la vérité. Elle la rassure que diligence est faite pour un dénouement rapide de la situation », lit-on dans le communiqué.

Curieuse sortie. Puisque tard dans la soirée, le Dr Ihou Wateba et ses deux étudiants ont été relâchés. Trop tard. Le front social est entré en ébullition. Le lendemain, de fortes perturbations ont été enregistrées dans le secteur scolaire où les élèves sont descendus dans les rues pour réclamer le retour en classe de leurs enseignants. L’administration aussi n’a été épargnée. Pour le SYNPHOT, il n’est pas question de suspendre la grève sèche. Au contraire, il fait monter les enchères et exige l’apurement de ses revendications restées en suspens.

L’image du professeur, Dodzi Kokoroko, est fortement dégradée dans cette affaire de notes. Déjà, ses décisions au sein du monde estudiantin sont très critiquées. La répression des étudiants, les mesures entourant les frais de doctorat, l’arrêt des travaux dirigés, etc., entachent quelques rénovations qu’il a entreprises.

Pendant que le « feu a dû mal à s’éteindre » dans les domaines de la santé, de l’éducation, la coalition des 14 partis politiques de l’opposition va renouer avec ses marches. En toile de fond, le départ de l’actuel chef de l’Etat, Faure Gnassingbé, qui a déjà fait deux mandats à la tête du pays et qui poursuit le troisième.

Par Anani Galley, correspondant au Togo

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