Affaire des 200 milliards recouvrés : polémique au Sénégal
Au Sénégal, l’affaire des 200 milliards de francs CFA recouvrés agitée par Aminata Touré, ancienne Première ministre défraie la chronique. On en parle partout. Vérité ou intoxication ?
La traque des biens mal acquis constitue une lancinante question. Politiques ou membres de la société civile continuent de lancer le débat qui, aujourd’hui peine à avoir une réponse sérieuse. « Deux cent milliards de francs CFA sont recouvrés dans la traque des biens mal acquis » avait soutenu Aminata Touré, une ancienne Première ministre du Sénégal.
Depuis cette sortie, le sujet pollue l’atmosphère. Quelques jours, après, le gouvernement sénégalais contredit ses propos pour sortir un communiqué signé par Seydou Gueye, porte-parole du gouvernement. Dans ce communiqué, il est écrit noir sur blanc que c’est 152 milliards.
À ce propos, les avis sont partagés. « Quand le gouvernement dit qu’il a inscrit 152 milliards, pas un de plus. Ce n’est pas un discours comptable, mais plutôt politique qui intègre les sommes non encore recouvrées et dont la comptabilité publique ne peux tenir compte », a soutenu Aynérou Gningue, président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakar. Il a indiqué « qu’on verra une loi rectificative quand des biens seront mis en vente et qu’il y’aura de l’argent public à intégrer ».
Pour Aynérou Gningue, « quand on parle de comptabilité publique, il faut être précis. Et dans ce domaine, dit-il, personne n’a le droit de dire des choses à l’aveuglette ».
De son côté, Pape Gorgui Ndong, Ministre de la jeunesse et de la construction citoyenne, persiste et signe en indiquant « que ceux qui se sont enrichis sur le dos de l’État doivent rendre compte ». Pour le ministre de la jeunesse, « les Sénégalais ont été meurtris de voir, à un moment donné, d’autres compatriotes qui ont eu à gérer des responsabilités, avoir un train de vie à couper le souffle. cela est inadmissible » déplore-t-il.
Et sur la traque des biens supposés mal acquis, il est d’avis « qu’il faut l’élargir jusqu’aux anciens dirigeants socialistes ». Une déclaration qui a suscité la colère des socialistes. En premier chef, Abdoulaye Wilane, porte-parole du Parti socialiste, trouve les propos du ministre Grogui Ngong « bêtes et inutiles ». Avec amertume, le socialiste laisse entendre que « c’est incompréhensible, inélégant, discourtois, pour quelqu’un qui est un allié, ministre de la République de surcroît, de se laisser aller dans des propos qui ressemblent à ce qu’on lui prête ».
Habib Sy, ancien ministre, leader du Parti de l’espoir et de la modernité, qualifie ce débat « l’émergence d’un gros mensonge d’État dans ce pays ». Pour Habib Sy, des hommes et des femmes qui sont supposés être des hommes d’État, des responsables dans un gouvernement, qui ne peuvent pas dire à l’opinion publique ce qui s’est réellement passé dans la traque des biens mal acquis. « C’est la confusion totale. Les sommes qu’ils indiquent ne proviennent pas de la traque », dit-il avant d’inviter « les députés à poser le sujet à l’Assemblée nationale.
Dans le communiqué du gouvernement, dont nous détenons une copie, signé le 28 décembre 2017, il est écrit que le gouvernement sénégalais confirme son engagement de mener jusqu’à leur terme, toutes les actions initiées par les institutions et juridictions compétentes, notamment la Cour des comptes, l’Inspection Générale d’État (l’IGE), l’Office Nationale de lutte contre la fraude et la corruption (l’OFNAC) et la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) afin que l’enrichissement illicite soit banni à jamais.
Selon toujours le communiqué du gouvernement sénégalais, il s’agit là d’une action qui ne connaît ni pause, ni temps d’arrêt, avec des gains pour la Nation, qui évoluent du rythme des recouvrements réalisés par l’État ; mais il s’agit aussi d’une action qui se déroule au temps de la justice.
Quoi qu’il advienne, le peuple sénégalais a besoin de savoir les tenants et aboutissants de la traque des biens supposés mal acquis.
L’émergence ne rime pas avec la théorie.
Par Mapote Gaye
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