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Droits des femmes en Afrique: la tradition dicte encore sa loi

La tradition pèse encore de tout son poids dans les droits des Africaines. C’est ce qui ressort  des différentes interventions des spécialistes  lors du colloque portant sur Genre et Sociétés en Afrique organisé à l’université de Montréal (UdeM) le 20 mars passé.

Les spécialistes de niveau universitaire ont axé principalement leurs interventions sur les pays de l’Afrique de l’Ouest dont le Mali, la Cote d’Ivoire et le Sénégal. Ils ont pu montrer que la tradition et la modernité sont parfois difficilement conciliables quand il s’agit de se pencher sur les droits des femmes. Les femmes sont victimes de violences sous toutes ses formes, et elles sont peu nombreuses à occupées des postes de responsabilités. Mais leur situation  s’améliore petit à petit.

«Il est plus facile de casser un atome que de changer les mentalités»

«Il est plus facile de casser un atome que de changer les mentalités»: cette citation d’Albert Einstein (1879-1955), physicien américain d’origine allemande, prend tout son sens actuellement quant à la condition féminine en Afrique. Car certains faits sociaux, jadis considérés comme tels par la tradition, sont devenus des problèmes sociaux aux yeux du droit international ou du droit des femmes tout court. Et certains hommes s’adaptent difficilement au droit des femmes vu comme importé de l’Occident. En effet, certains Sénégalais ou d’autres Africains ont du mal à imaginer qu’on puisse parler de viol dans un couple. Pour eux, on ne peut pas accuser un homme d’avoir violé sa femme, selon l’enseignante-chercheure à l’université Cheikh Anta Diop (Sénégal), Rosalie Aduayi Diop. «Certaines personnes vous traitent de folle, si vous osez poser des questions sur le sujet», a expliqué Mme Diop. La tradition est encore forte au Sénégal ou ailleurs en Afrique surtout en milieux ruraux. À cause du caractère tabou du viol, des violences conjugales, certaines femmes se taisent, selon l’enseignante-chercheure à l’université Cheikh Anta Diop (UCAD). Leur silence, a souligné Mme Diop,  est aussi dû à leur ignorance qui les empêche de voir leurs droits. Cette ignorance est dû à l’analphabétisme. L’enseignante-chercheure à l’UCAD intervenait sur le thème Pratiques culturelles  et sociales néfastes affectant les femmes et les filles au Sénégal.

Autre fait social devenu problème social: l’excision. Autrefois considérée comme un rite initiatique à l’âge adulte, cette pratique, qui mutile le sexe de la femme, est devenue une atteinte à l’intégrité physique de celle-ci et une problème de santé publique. Et là encore, il est difficile d’abandonner ce rite sous peine d’être stigmatisé, marginalisé ou faire l’objet de mépris et de sarcasmes de la part de son entourage surtout dans le milieu rural. C’est ce qu’a indiqué le doctorant au département de sociologie à l’UdeM, Ousmane Koné lors de sa présentation sur La pratique de l’excision dans la commune rurale de Lobougoula (Mali) : entre identité culturelle et « contrôle » de la sexualité de la femme. Cet doctorant avait déjà traité le sujet par le passé dans le cadre de son mémoire en maitrise d’anthropologie. Pour répondre à son questionnaire dans le cadre de son mémoire, certains villageois de Lobougoula lui avaient fait savoir que l’excision était une pratique culturelle ou religieuse. Il a raconté une anecdote sur un homme qui avait abonné sa femme à cause du fait qu’elle n’était pas excisée. «Les hommes me disaient qu’ils faisaient exciser leurs filles pour ne pas essuyer des moqueries ou être stigmatisés en même temps que leur progéniture», a précisé M. Koné. Mais les choses avancent petit à petit vers l’abandon totale de l’excision. «400 villages ont fait savoir qu’ils abandonnaient l’excision», a précisé le doctorant en sociologie.

Coté éducation, la tradition a encore la vie dure en Afrique si on s’appuie sur l’intervention de Birné Ndour, doctorante Département Administration, Faculté des Sciences de l’éducation de l’UdeM. Lors de son intervention, elle a pu expliquer entre autres comment les traces l’éducation coloniale basée sur des stéréotypes sont encore visibles dans le système éducatif au Sénégal. Des traces qui entrainent des inégalités entre garçons et filles à l’école. « Traditionnellement, la femme sénégalaise est éduquée dans une perspective de soumission totale et de dépendance économique à son mari. Un tel fait a tendance à limiter les aspirations scolaires et professionnelles des filles », a indiqué la doctorante Birné Ndour.

La tradition perd du terrain et les femmes prennent le pouvoir

Grâce au mouvement féministe et à la pression internationale, la tradition perd du terrain en Afrique au bénéfice de la modernité.

Au Sénégal, les pratiques sociales néfastes aux femmes sont combattues par une batterie de lois récentes, selon la docteure Maimouna Ndoye de l’USAID de Dakar, qui intervenait par vidéoconférence depuis le Sénégal sur le thème: Quel rôle du féminisme dans l’évolution des rapports de genre au Sénégal : L’expérience de l’association des juristes féministes du Sénégal. Le Sénégal a ratifié, entre autres, le protocole additionnelle à la charte africaine des droits de l’homme, selon Mme Ndoye. Au niveau national, des lois tournées vers la gent féminine ont vu le jour. En 2001, l’égalité homme-femme est inscrite dans la constitution. «En ce moment, c’est une première ministre (Aminata Touré) qui est à la tête du gouvernement sénégalais et une femme (Anna Semou Faye) à la tête de la police nationale» a indiqué Mme Ndoye.

Ailleurs en Afrique, le même cas de figure se présente même si le Sénégal est encore en avance par rapport à d’autres pays. En Cote d’Ivoire, les femmes occupent des postes de responsabilités dans la fonction publique: ministres (13%), députées (10%), mairesse (5%),  police (12%), justice (18%), selon le doctorant en criminologie à l’UdeM, Nabi Youla Doumbia . «Cette sous-représentativité s’explique par la domination symbolique des hommes dû à leur culture», a précisé M. Doumbia.

«Les femmes ont sauvé des hommes au plus fort des crises ivoiriennes de 2002 et 2010 en tapant sur des casseroles pour faire fuir leurs ravisseurs. Et ça marchait», a fait savoir M. Doumbia lors sa présentation sur  Manifestations des Femmes en Côte d’ivoire durant la crise postélectorale de 2010.

Organisé précisément par le Réseau des étudiants de l’université de Montréal pour la recherche et la promotion du bien-être des populations en Afrique (AFRICASUM), le colloque a permis aux différents spécialistes d’exposer leurs travaux de recherches universitaires avec comme corpus la femme africaine.

L’événement s’est terminé par l’intervention du docteure Aoua Bocar Ly-Tall, Présidente-fondatrice du Réseau Femmes africaines, Horizon 2015 et présidente de l’Alliance Globale contre les MGF-excision, Genève-Suisse. Mme Tall a fait une présentation des héroïnes africaines d’hier: la reine de Saba (Égypte), Abla Pokou (Ghana), Aline Sittoe Diatta (Sénégal), etc.

Ansou Kinty

1 Comment on Droits des femmes en Afrique: la tradition dicte encore sa loi

  1. bintou bangoura // 6 avril 2014 á 5:38 // Répondre

    Je suis vraiment ravi de la presentation et du theme du Doctorant en Criminologie Nabi Youla Doumbia de Universite de Montreal qui fait resorti la force de la femme Africaine en Cote d’Ivoire qui par de simple geste des tapes de caseroles ont montre leurs mecontentements et sauves la vie de certains hommes pendant la crise Post-electorale de la Cote d’Ivoire.
    J’apprecie aussi le travail de toutes equipes de AfriCaSum et des specialites des differents domaines qui montre que la femme africaine a de la valeur et qu’elle n’est pas un instrument. Nous devons donne a la femme Africaine une place importante dans notre societe.

    Merci.

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