Élection présidentielle en RDC : la majorité sort sa dernière carte pour se maintenir au pouvoir
Alors que tout le monde se mobilise pour réunir les conditions nécessaires afin de permettre la tenue de scrutins libres et transparents qui garantissent une alternance pacifique au pouvoir en décembre prochain, dans le respect de la Constitution, la famille politique du chef de l’État sortant Joseph Kabila met toutes les batteries en marche pour réussir son coup de force de maintenir ce dernier au pouvoir, cette fois-ci, en agitant la possibilité d’un référendum.
Celui qui le dit n’est pas n’importe qui, il s’agit bien du secrétaire-général, Henri Mova Sakanyi, du Parti populaire pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), la formation politique du président Kabila. M. Mova Sakanyi a, lors d’une manifestation de son parti le samedi 4 juin dernier, évoqué la possibilité d’un référendum pour réviser la Constitution et permettre à Joseph Kabila de se présenter pour un troisième mandat. « Le peuple congolais est souverain et sa volonté ne souffre d’aucune contestation. Attention, un jour il risque de dire allons au référendum … Si le peuple décide de son référendum, il va le faire: le peuple congolais de Brazzaville l’a fait, le peuple rwandais l’a fait », avait-il lancé au public.
En effet, le référendum n’est pas mauvais en soi, au contraire. C’est un instrument de la démocratie directe et une procédure de vote permettant de consulter directement le corps électoral d’un État ou d’une collectivité locale à se prononcer sur une proposition précise, de nature législative ou constitutionnelle, initiée soit par le pouvoir exécutif soit par les citoyens, selon les modalités définies par la loi.
En vertu de l’article 218 de la Constitution congolaise, une telle initiative de révision constitutionnelle appartient concurremment au président de la république; au gouvernement; aux deux chambres du Parlement; et au peuple congolais qui s’exprime dans une pétition de 100.000 personnes adressée au Parlement. Mais la révision de la Constitution ne peut intervenir que si le projet, la proposition ou la pétition est approuvé par référendum.
Mais la Constitution interdit au chef de l’État sortant de se représenter pour un troisième mandat. L’article 220 stipule très clairement que « la forme républicaine de l’État, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. »
Est-il possible d’organiser un référendum quand on ne sait pas organiser une élection présidentielle?
Qu’il s’agisse d’un référendum ou d’une élection, les deux sont les différents modes de scrutin qui consistent à convoquer le corps électoral pour se prononcer. La distinction entre les deux réside dans le fait que : le premier est une forme de démocratie directe; tandis que le second est une forme de démocratie indirecte ou représentative. Dans le cadre d’un référendum, le corps électoral est appelé à répondre par oui ou non sur une question bien précise, alors que dans une élection, il est appelé à choisir ses représentants.
Aussi bien le référendum que les élections présidentielle, législatives, sénatoriales et provinciales sont organisés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Le président de la CENI, Corneille Nangaa, qui dit vouloir enrôler entre 42 et 52 millions d’électeurs, avait ouvertement exprimé son incapacité d’organiser les élections libres, transparentes et crédibles en novembre prochain sans avoir révisé le fichier électoral. Cette opération devrait, selon lui, durer plus ou moins 17 mois. De plus, pour enclencher le processus de révision du fichier électoral, la CENI avait besoin d’une loi électorale à jour et d’une loi sur l’enrôlement des électeurs qui tardent encore à être révisées par le Parlement.
La question que l’on peut naturellement se poser est celle de savoir si l’idée d’organiser un référendum est réaliste et faisable? Si oui, la CENI sera-t-elle en mesure d’organiser un référendum d’ici avant la fin du mandat du président Kabila? Elle qui dit n’avoir pas les moyens financiers et logistiques pour organiser les élections présidentielle et législatives dans le délai constitutionnel. Le gouvernement congolais aurait-il finalement trouvé des moyens conséquents pour permettre à la CENI de tenir le référendum? Lui, qui n’a pas pu lui en donner pour organiser l’élection présidentielle telles que prévue dans la Constitution. Les partenaires bilatéraux et multilatéraux vont-ils embarquer dans ce processus à haut risque, en contribuant financièrement à l’organisation du référendum? Tant des questions qui restent encore sans réponses.
Ce qui est vrai, c’est que la situation politique reste encore très volatile en RDC. L’avenir semble incertain et sombre comme la nuit. À cette allure, et si tous les acteurs socio-politiques concernés ne prennent pas conscience en privilégiant l’intérêt supérieur de la nation, il y a un risque certain de voir ce pays au cœur de l’Afrique s’enfoncer dans une spirale infernale qui le mènera à nouveau dans les conflits violents et affrontements armés avec leurs lots de violations massives des droits humains. Si la communauté internationale laisse la RDC retourner à la case du départ, tous efforts déployés ces vingt dernières années pour améliorer la situation dans ce pays auront été futiles.
Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue
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