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Opinion/Sénégal: Assemblée de rupture… Mon œil !

Les prières et revendications de la coalition au pouvoir à obtenir une majorité parlementaire pour la stabilité ne suffiront pas à convaincre l’opinion de sa nécessité. La demande de rupture semble se positionner à la tête de liste des critères du choix électoral plus que la crainte de blocage au sommet de l’État. Cependant, les conditions d’une Assemblée de rupture renvoient à la compétence, à l’initiative et au sens des responsabilités des députés. Leur propension à se comporter en contre-pouvoir ne dépend pas tant de la nature présidentielle, parlementaire ou bâtarde du régime que du mode de scrutin, de la capacité des électeurs à exercer des sanctions politiques personnalisées, sur mesure.

Comme d’habitude, l’Assemblée nationale sénégalaise est sur la sellette au motif qu’elle constitue un cabaret, chambre d’enregistrement. En vérité, l’institution n’est pas en cause, c’est le diktat dans le choix des « députables », depuis les tours d’ivoire du palais qui veut que la discipline de parti dicte des réflexes de subordination au prince, président de la république. S’il arrive, aux États-Unis, que des républicains votent démocrate, et vice-versa, c’est moins par conviction que par crainte de reproche de leur base électorale. Leur système permet de maintenir l’indépendance des représentants du peuple qui n’ont de comptes à rendre qu’à leurs électeurs. Il faudra alors que l’électeur sénégalais en fasse exigence, aidé en cela par un mode de désignation de son représentant beaucoup plus liant politiquement.

Pourtant, si l’électorat opte pour une majorité parlementaire identique à la mouvance présidentielle, cela traduit en principe une acceptation des politiques publiques mises en œuvre jusque-là. Par ailleurs, le scénario d’une Assemblée majoritairement opposée au camp présidentiel implique forcément des accrocs au sommet de l’État. Néanmoins, les électeurs les auraient voulus et parrainés. Il doit être accepté qu’ils veuillent que tout soit mis en veille, en attente de la réalisation d’une autre action prioritaire. Dans ce cas, le blocage, émanation de la volonté du peuple, ne peut être que bien vu si tant est que la démocratie est avant tout le respect de la souveraineté populaire.

Seule l’Afrique noire reste coincée tout bonnement dans les élucubrations errantes et oiseuses de 1789, conçues et prédites, mais jamais authentifiés. En outre, que ce soit régime parlementaire ou régime présidentiel, le diktat des majorités acquises sur des minorités démunies et tapageuses, reste de mise à l’échelle de la planète. Les idéalistes se débattent encore, engoncés et embrouillés dans les principes frivoles et désincarnés de séparation des pouvoirs. Ils prêchent urbi et orbi une Assemblée de rupture en faisant abstraction des mécanismes clientéliste et clanique d’adhésion des masses populaires, moteurs et modalités du pluralisme politique sénégalais. Ils ont tort de croire que la logique de la séparation échappe au jeu politique, entre acteurs en proie à des intérêts légitimes de parti.

La notion de « check and balance  » entre les pouvoirs de même que la commande de poursuite de l’intérêt général ne suffisent pas à aplanir la tendance grégaire à l’aversion et à l’affiliation systématiques. C’est l’effectivité de la mission des représentants, animateurs de l’institution parlementaire, qui est en cause. Les vagues et futiles controverses sur la nature des régimes n’y feront rien du tout. C’est dans le rapport politique entre les députés et les votants que l’examen, l’action, puis la rupture doivent être envisagés.

Birame Waltacko Ndiaye

Waltacko@gmail.com

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