Dialogue congolais : Un accord qui ne s’appuie sur aucune base juridique
En passant en revue intégralement ledit Accord signé par la Majorité présidentielle au pouvoir et une partie de l’Opposition politique et de la Société civile, il est indiqué dans le préambule que les participants « s’engageaient à respecter la Constitution dans son intégralité », sans faire référence à aucun article spécifique de celle-ci. Mais grand était mon étonnement de constater qu’au chapitre IX, article 17 C, de cet Accord il est dit qu’ : « Il sera procédé, dans les 21 jours de la signature du présent Accord, à la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale. Sans préjudice des dispositions constitutionnelles et législatives nationales en vigueur, le Premier ministre est issu de l’opposition politique signataire du présent Accord. »
Au regard de cette disposition de l’Accord, de deux choses l’une : ou bien les participants au dialogue violent ostensiblement la Constitution ou incitent à sa violation, spécialement en son article 78 qui stipule que : « Le président de la république nomme le premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci », ou alors ils font désormais partie de la Majorité présidentielle, et doivent le dire ouvertement et très clairement, pour prétendre intégrer son gouvernement avant la fin du mandat constitutionnel.
En effet, recommander la formation d’un nouveau gouvernement dans les vingt-et-un jours après la signature de l’Accord revient à dire qu’il devra être mis en place au plus tard le 07 novembre 2016, alors que le dernier mandat de Joseph Kabila et sa Majorité présidentielle court encore jusqu’au 19 décembre 2016.
L’Accord ne repose sur aucune base juridique
Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont les présidents de deux chambres du Parlement congolais, tous deux juristes de leur état, qui l’on dit clairement le 15 septembre dernier, pendant que le dialogue se tenait à la Cité de l’OUA.
Dans son discours d’ouverture de la session ordinaire au Sénat, Léon Kengo wa Dondo, président du Sénat, a tenu à rappeler aux participants à ces Assises que « le dialogue n’est ni un Parlement, ni une Assemblée constituante ». Et que, tout ce qui sortira de ce forum doit se faire dans le cadre de ses limites. C’est-à-dire dans le strict respect de la Constitution et des institutions qui en sont issues.
De son côté, le président de la chambre basse du Parlement, Aubin Minaku, secrétaire général de la Majorité présidentielle a, dans son discours d’ouverture de la session parlementaire, abondé dans le même sens et dans les termes très compréhensibles : « avant, pendant et après le dialogue, tout doit se faire conformément à notre Constitution […] le respect de la Constitution passe par le respect de tout le corpus constitutionnel de bout en bout […] aucune des résolutions du dialogue national ne devra de s’affranchir du corpus constitutionnel. »
Nécessité d’un autre dialogue
En principe le dialogue n’avait pas sa raison d’être si tout le monde avait assumé ses responsabilités avec toute la diligence voulue et tout le professionnalisme attendu, notamment en mettant à disposition les ressources nécessaires pour ce faire. Malheureusement, tous ont failli à leur engagement de respecter et de faire respecter la Constitution.
Nous ne cessons de sonner l’alarme pour dire qu’il y a péril en la demeure. Le risque d’implosion est imminent, si jamais les acteurs politiques ne reviennent pas au gros bon sens et s’engagent véritablement pour un dialogue réellement inclusif afin de trouver un compromis politique consensuel avant la fin du dernier mandat de Joseph Kabila.
Malgré les tergiversations des uns et des autres, une chose que les acteurs sociopolitiques ne devraient pas perdre de vue ce que le temps joue contre eux tous. En tout état de cause, les résolutions du dialogue de la Cité de l’OUA, aussi bonne qu’elles puissent être, si elles ne sont pas partagées par la grande majorité des citoyens congolais, elles sont vouées à l’échec.
La recherche d’un Accord politique réellement inclusif pour pallier aux lacunes de la Constitution sur la gestion de la période transitoire, dans le cas où les élections présidentielles ne sont pas organisées dans le délai constitutionnel, devient urgent pour organiser des élections apaisées, crédibles et transparentes. Il y a fort à parier que les jours à venir seront très critiques pour le peuple congolais, si rien n’est fait pour désamorcer cette grave crise. Wait and see.
Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue
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