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Tariq Ramadan et Edgar Morin, porteurs d’un message humaniste

Tariq Ramadan et Edgar Morin ont décidé, sur demande du premier nommé, de coucher un message humaniste dans un livre intitulé Au péril des Idées. M. Ramadan est professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford tandis que M. Morin est philosophe et directeur émérite de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en France. Le professeur d’études islamiques contemporaines a tenu une conférence sur le livre cité ci-dessus à l’université de McGill le 22 mars dernier sur invitation des étudiants musulmans de Montréal.

La déontologie sociale

M. Ramadan considère Au péril des idées comme une école de dialogue social basé sur un certain nombre de principes dont le respect de la dignité et la diversité humaines, de la justice sociale. Bref, un monde humaniste dans sa plénitude. Lui et M. Morin entendent, à travers leur dialogue, voir émerger un monde meilleur. Ils ont discuté des questions portant sur les valeurs, la religion, l’éducation, la démocratie, l’art et l’imaginaire, etc. Afrikcaraibmontreal a défini volontairement les thèmes traités comme des articles déontologiques et la liste n’est pas exhaustive.

Article 1: Reconnaitre la complexité de l’être humain

Le théologien suisse a affirmé qu’il faut reconnaitre la complexité de tout être humain et la diversité des points de vue. Pour lui, tout dialogue commence par l’acceptation de la complexité d’autrui. « De là où je suis, je pense ce que je pense, mais qu’il y a d’autres façons de penser différentes de mon point de vue », a-t-il indiqué. Cette notion de complexité, a souligné M. Ramadan, est un thème central traité par M. Morin dans son livre La Méthode. Le professeur en études islamiques contemporaines a affirmé que le problème du monde d’aujourd’hui est le recours à la simplification d’autrui et à binarité émotionnelle.

Article 2: Bien définir les mots charia, laïcité et populisme

Les mots charia, laïcité et populisme ont besoin d’être bien défini pour éviter que les gens tombent dans la binarité émotionnelle, selon le professeur d’études islamiques. Pour lui ces mots sont, de nos jours, compris différemment selon le cheminement de chacun de nous. Donc ces mots doivent être définis sur le plan politique, social.

Pour la charia (loi islamique), elle est souvent par des musulmans aux relents nationalistes comme une idéologie, selon M. Ramadan. Entre autres exemples, il cite l’Afrique du nord (Maghreb), où certains musulmans nationalistes se croient mieux que leurs coreligionnaires.

Pour la laïcité, certains citoyens ou parties politiques  en Europe ou en Amérique du nord le transforment en idéologie. La laïcité devrait être un espace d’acceptation d’autrui, de la diversité, selon M. Ramadan. Il a cité l’exemple d’un homme politique hollandais qui se faisait applaudir  dans une salle en disant qu’il y avait trop de Marocains dans son pays.

Même constat sur le terme populisme à qui le professeur en études islamiques contemporaines identifie sur la base de quelques caractéristiques:

La binarité émotionnelle qui consiste à se livrer au jeu d’opposition: nous et vous. La pensée coloniale disait que ceux qui n’étaient pas d’accord avec les colonisateurs, sont contre eux, selon M. Ramadan. Cette binarité émotionnelle est aussi utilisée par l’esprit dogmatique qui consiste à toujours dire « j’ai raison, donc si j’ai raison, tu as tort », a dit le théologien.

Des réponses très simples à des questions complexes: « exemple: notre chômage vient de votre présence » en parlant des étrangers. C’est une réponse simple à une question complexe, selon le théologien musulman. Il cite des partis  politiques d’extrêmes droites en Europe ou autres qui stigmatisent les étrangers.

Le jeu de la victimisation: « On est en danger ». Des partis politiques qui demandent une définition de l’identité de leur pays parce qu’ils se sentent en danger (exemple en France ou au Québec en ce moment avec la Charte des valeurs).

Article 3: Conserver ses valeurs

La dignité, la justice, la diversité humaine sont considérées sont des valeurs essentiels à ne pas bafouer quelque soit la religion, l’origine, la nationalité de l’être humain concerné. Dès que ces valeurs sont bafouées, on doit être capable de dire « non » à son gouvernement, à son concitoyen, à son frère musulman ou d’autres confessions religieuses, selon M. Ramadan.  À titre d’exemple, il a cité Edgar Morin qui avait publié une tribune dans le journal Le Monde pour dire « non » à la politique israélienne sur la Palestine.

Article 4 Savoir pardonner

Savoir pardonner est un travail que chaque être humain doit faire, selon le professeur en études islamiques contemporaines. Il a raconté, entre autres l’anecdotes, l’histoire de quelqu’un à qui le paradis était promis. L’heureux élu faisait un vrai travail de purification de son cœur chaque soir avant de se coucher: il faisait en sorte de ne garder aucun rancœur envers autrui. « Faire cela tous les jours est une vraie guerre sainte sur soi », a souligné M. Ramadan.

Article 5: Opter pour une économie alternative

Les multinationales n’ont pas de comportements démocratiques, et ce sont elles qui dictent souvent les lois à nos gouvernants. Donc il faut opter pour une économie alternative, selon le professeur en études islamiques contemporaines. Il reconnait que la pensée islamique contemporaine  là-dessus est d’une pauvreté  accablante.

Article 6: Opter pour une éducation de rigueur

Nous sommes dans l’inflation des moyens communication, et cela ne nous permet pas de communiquer de façon qualitative sur le fonds et la forme, selon M. Ramadan. Il a pris, entre autres exemples, les SMS que nous nous envoyons de nos jours. Autre exemple: pour être un bon citoyen d’un pays, il faut, sur le plan de la communication, maitriser la langue qui y est parlée, selon lui.

Article 7: Donner un sens à sa spécialité

Ne pas  se cantonner à sa spécialité. Voir comment son savoir faire est utilisé: se poser des questions d’éthique générales. Le savoir faire utilisé pour fabriquer des bombes a été cité parmi tant d’autres comme exemples.

Article 8: S’intéresser à l’art et l’imaginaire

S’intéresser à l’art et à l’imaginaire, est un des points débattus dans Au péril des idées. Le théologien suisse conseille aux musulmans ne pas lire que des documents qui traitent de l’islam pour se construire sur le plan personnel. D’ailleurs la mère de M. Ramadan, sans savoir lire le français, avait trouvé très beau un livre de poèmes d’Alfred de Musset. « Elle me dit quelque chose de mon univers à moi. Cet univers de la langue, construit toi à partir de cela. » a indiqué le théologien musulman.

 

Tariq Ramadan, théologien musulman suisse aux idées réformatrices trouve des points communs en Edgar Morin, philosophe, sociologue et anthropologue français. Des points communs entre sa vision de la charia (lois islamique), sa vision du monde et certaines notions ou concepts que l’on retrouve dans les œuvres du philosophe français particulièrement  La méthode et La voie.

Le théologien musulman a décidé de dialoguer avec un agnostique dans Au péril des idées pour « structurer intellectuellement la pensée du lecteur ». C’est un message que tous les deux intellectuels adressent à l’humanité dans toute sa globalité.

Ansou Kinty

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