Opinion/ études universitaires en Algérie, que dire et par quoi commencer ?
Quand on est le premier de la famille à avoir son bac , ce n’est pas évident de savoir ce qu’on veut faire comme spécialité. Il y a beaucoup de facteurs que nous devons prendre en considération :
1-Ta branche(scientifique, technique ou littéraire).
2-Les notes obtenues au bac .
3-Tes points forts et tes points faibles.
4-Tes rêves et ceux des parents.
5-La réalité quotidienne.
Le dilemme au départ était de faire ce que nous aurions aimé faire et ce qui aller nous permettre d’avoir un emploi , une fois le diplôme obtenu.
Après avoir consulté les « experts » parmi nos amis qui avaient déjà des frères ou des sœurs qui sont déjà passés par le même processus que nous, tu te décides enfin, avec la peur au ventre , pour t’inscrire dans telle ou telle spécialité.
Après avoir fait le parcours du combattant militaire (il n’y a que ceux qui l’ont réellement fait qui peuvent savoir de quoi je parle) pour préparer tous les documents demandés, tu vas finalement à « ton université » pour les inscriptions.
C’est impressionnant et déstabilisant. Impressionnant par l’étendue de la surface dédiée aux édifices (administration, amphithéâtres, classes pour les travaux dirigées, laboratoires, bibliothèque etc..). Déstabilisant parce que durant tout notre cursus pédagogique du primaire jusqu’au lycée, nous sommes habitués aux espaces réduits, mais aussi nous étions toujours assistés par nos parents et par l’école. D’un seul coup, nous sommes devenus responsables de nous-mêmes et on devait faire face aux exigences administratives et académiques.
À l’université, tu fais partie d’une masse plus au moins homogène: on était 500 à 600 étudiants tassés sur des bancs en bois pas du tout confortables. Le chargé de cours ne te connait pas à l’extérieur et il ne te reconnait pas à l’intérieur. Tu es une feuille d’examen et une note, pas plus. Il y avait des enseignants qui prenaient un malin plaisir à donner des sujets d’examen indéchiffrables, comme si tu n’as jamais assisté ni aux cours ni aux séances de travaux dirigés. Plus il y a de mauvaises notes, plus l’enseignant avait la côte. Dans l’esprit de ces pseudo intellectuels, cela démontrait leur « haut niveau » d’intelligence et de compétence. Des pseudo PhD qui ne faisaient ni recherches ni publications d’articles dans les revues spécialisées ( une chose que je ne connaissais pas encore à l’époque). Quand la période des vacances d’hiver ou du printemps arrivaient, comme par hasard, ils déclenchaient une grève des profs qui ne s’arrêtaient, comme par enchantement , qu’une semaine ou deux après la date des reprises de cours. Les étudiants faisaient de même. Les syndicats des enseignants et des étudiants faisaient le relais à longueur d’année. C’est là que j’avais découvert le harcèlement sexuel vis-à-vis des malheureuses étudiantes qui cédaient aux chantages de certains dinosaures et de certains jeunes moches et complexés .Tout avait un prix :
-Un service rendu par son paternel; un problème administratif, un problème de logement, problème de service militaire obligatoire non encore réglé (réservé seulement aux filles et fils des officiers supérieurs de l’armée nationale populaire et de la gendarmerie nationale).
-Les bonnes notes s’échangeaient contre de l’argent , de la drogue gratuite et du sexe.
Pour les « immigrés » et les enfants de riches , les choses étaient plus faciles:
-Cela commençait souvent par prendre un des enseignants non véhiculés dans la voiture de son papa (Mercedes, B.M.W, Golf G.T.I la plus récente etc..).
-Comme on proposait de payer à manger dans un restaurent « chic » au lieu de la bouffe à un 1, 20 DA, que l’on ingurgitait tant bien que mal au « resto » de l’université.
Mais les véritables liens sont tissés et bien serrés les week-ends, durant des soirées bien arrosées.
Ceux qui avaient compris comment cela fonctionnait sans passer par toute cette dépravation sociale et cette orgie intellectuelle, reprenaient tous les examens donnés par tel ou tel enseignant durant toutes les années où il a enseigné, sans donner l’idée aux étudiants qui ignoraient cette combine.
Ce qui nous obligeait à doubler d’effort, de passer par tous les examens y compris par ceux de la synthèse du mois de juin et ceux du rattrapage du mois de septembre. Il y a ceux qui ont douté de leurs capacités , ils ont dû abandonné leurs études durant la première année et passer à autre chose , comme vendre de la marchandise sur les trottoirs et les plus chanceux se sont convertis en « importateurs » de vêtements et souliers tout genre avec les cabas .
Parmi les aberrations vécues à l’université pour un arabisant(étudier toutes les matières scientifiques en arabe classique durant le cycle primaire, moyen et le lycée) et d’être obligé d’étudier la suite des mêmes matières en langue française. Au lieu de suivre normalement le cours, tu essayes de deviner de quoi le prof parle, de quelle théorie il s’agissait. Tu essayes de traduire les expressions et les formules dans ta tête. À la fin, tu n’as pas pu suivre le cours ni pu déchiffrer de quoi il s’agissait. Plus le temps passe, plus tu cumules du retard, plus tu beignes dans l’ignorance. Si tu ne doublais pas d’efforts seul à la bibliothèque et à la maison (pour ceux et celles qui avaient la chance de disposer d’un petit coin pour étudier), tu ne pourrais jamais être à jour, sans oublier les questions pièges, spécialités de l’école algérienne.
Il y avait une constante chez tous les profs; c’était l’adoption de la même idéologie ou pas; un frère musulman va être plus « fraternel » avec les barbus avec les « kamis » et les « sœurs » avec le hijab « strict ». Un communiste va être un bon camarade avec les « athées » et les « bolcheviques ». Un francophile va être plus « ouvert » avec ceux et celles qui rejettent tout ce qui fait référence à notre propre identité, notre culture. Un berbérophone radical, refuse tout compromis avec l’arabophone . Il fait tout pour se dissocier de « l’histoire » écrite avec de l’encre et du sang, allant jusqu’à épouser d’autres mœurs au péril même de la perdition de sa propre culture, plusieurs fois millénaires.
Tout cela pour finir avec un diplôme qui ne va pas t’ouvrir les portes dont tu espérais aussi bien que l’ouverture pour avoir un emploi . À ta sortie, l’échelle de valeurs sociales a changé; c’est l’argent et l’argent seul qui a la dernière parole. Le craquement de billets de banques est le nouveau langage adopté par la majorité du peuple. Peu importe sa provenance , puisque « l’argent n’a pas d’odeur ».
Ceci dit, il y avait aussi des gens intègres qui faisaient bien leur travail, ils étaient le plus souvent marginalisés.
Par Abdel Merani
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