Interview avec Toumany Mendy, économiste et écrivain
Toumany Mendy est un chercheur de nationalité sénégalaise. Il s’est installé à Montréal, Québec depuis quatre ans, après ses études universitaires en France. Entre 2007 et 2012, Toumany Mendy a publié une série de sept ouvrages aux éditions Harmattan à Paris. M. Mendy se sert de sa plume « comme un outil d’engagement social ».
A.K: Pouvez-vous nous en dire plus sur vos sept livres ?
T.M: Mes ouvrages sont à la fois un témoignage du succès et des échecs de la première alternance politique du Sénégal tant en ce qui a trait à l’aspect politique qu’à l’idéologie managériale de l’Etat. A cet effet, j’ai offert mon regard sur un certain nombre de sujets tels que l’analyse de la situation démocratique du pays des douze dernières années, les problèmes de gouvernance économique et sociale, l’épineuse gestion des finances publiques, l’aménagement du territoire, l’emploi des jeunes en corrélation avec l’immigration clandestine qui est malheureusement perçue aujourd’hui par la jeunesse comme une solution alternative face au chômage.
Disons un regard critique sur la gestion du pays, vous définissez-vous comme un écrivain engagé?
Tout dépend de ce qu’on comprend par le terme engagement. Oui j’accepte cette étiquette d’écrivain engagé, mais je définirai plutôt ma plume comme un outil d’engagement social.
Que répondriez-vous à ceux qui vous considèrent comme un écrivain à la solde de l’opposition quand le président Wade était encore au pouvoir?
C’est le réflexe des gouvernants africains et même de la société dans son ensemble! Je ne sais pas s’il faut qualifier une telle attitude d’hypocrite ou de manque de culture du débat. Il suffit de poser un débat sur un système ou sur une façon de faire pour qu’on vous soupçonne de malintentionné ou d’espion à la solde de quelqu’un ou d’un pouvoir. Je pense que le vrai handicap de nos systèmes politiques en Afrique, c’est le manque de débats. Il nous faut réinventer une vraie société de débats pour permettre aux citoyens d’exprimer leurs idées sur la destinée et le destin du pays. C’est cette innovation politique qui renforcera l’efficacité de l’action publique. Pour preuve tous mes ouvrages sont d’actualité aujourd’hui car tous les débats actuels sur la réforme administrative et territoriale ont été des questions que j’ai toutes traitées il y a 5 ans dans mes publications. Et même du temps du magistère de Wade, beaucoup de mes idées ont été plagiées par ses collaborateurs. Mais tant mieux car c’est à cela que sert le débat. Je n’écris pas pour plaire ou déplaire à qui que ce soit ni encore moins pour faire les yeux doux au pouvoir. Autrement j’aurais déjà pu me faire remarquer, mais que Dieu me garde d’un tel comportement !
Vous avez écrit sept livres, lequel vous a pris le plus de temps?
Le dernier livre sur la morale publique publiée en juillet 2012 et ce, pour deux raisons: d’abord le débat sur la morale se veut un exercice très sérieux qui ne repose pas simplement sur la littérature car il y a tellement de barrières invisibles qu’il faut essayer de démasquer quand on tente de juger une société. En plus, lorsque j’ai fini d’écrire ce livre, il y a eu une transition politique au Sénégal. Il fallait donc, par rigueur intellectuelle, réadapter le débat au nouveau contexte politique. Ce qui m’a pris encore quelques mois à replonger dans le travail.
En sept ans, vous avez écrit sept livres, est ce que c’est dur d’écrire?
C’est sans doute l’un des exercices les plus difficiles! L’écriture est un art et comme chaque artiste, chaque écrivain a un style. C’est dire que ça ne s’improvise pas; on apprend à être écrivain comme on apprend à être artiste. Il reste à savoir qu’on n’est pas forcément un bon écrivain parce qu’on a publié des livres. L’expertise est une chose, le talent en est une autre. Aux lecteurs donc de juger la qualité de mes travaux.
Dans quelles conditions écrivez-vous?
L’écriture est une passion. Elle fait donc partie de ma vie. J’écris tout le temps et n’importe où. Même dans les transports quand une idée me vient en tête, je sors un papier et un écritoire pour la noter. L’inspiration peut me venir de n’importe quelle circonstance mais j’avoue que c’est lorsque je suis stressé ou triste que l’inspiration me vient le plus. Sauf que je ne souhaite pas bien entendu être tout le temps triste (rires…) ! A la maison par contre, l’inspiration ne me vient que la nuit quand je suis seul avec ma conscience, dans le vide et le noir !
Tous vos sept livres parlent en grande partie de la gestion du Sénégal par le régime de Wade, de quoi traitera votre prochain livre?
Ce sera un roman et je dirai même des romans car je travaille présentement sur plusieurs projets littéraires. Compte tenu de mes contraintes professionnelles et académiques, j’ai moins de temps à consacrer en parallèle avec les recherches indépendantes. Mais aussi je souhaite dorénavant réorienter mes recherches sur des sujets plus précis sur les questions de développement. Je crois qu’à l’avenir, je publierai beaucoup plus d’articles scientifiques que d’ouvrages généraux.
Aujourd’hui, les documents papiers sont menacés par Internet, comment voyez-vous l’avenir du livre ?
Le livre est en déclin car Internet a beaucoup facilité l’accès au savoir. On n’a plus besoin d’acheter un livre pour décrire ce qu’on a envie de savoir. C’est ce qui a d’ailleurs poussé les éditeurs à créer les livres électroniques et malgré tout, c’est loin d’arranger les choses.
Retrouver les 7 livres ici: www.toumany-mendy.com
Propos recueillis
par Ansou Kinty
C est un grand plaisir de vous lire avec ce billet, je vous en remercie grandement !!!
Merci vraiment pour cette mine de donnee.
Je vous remercie vraiment pour cette sublime source d information.