Joby propose la musique « world fusion alternative » aux saveurs de Madagascar
Jôby, de son vrai nom Jackson Jaojoby, le demi-finaliste des Syli d’or 2019, fils du célèbre Eusebe Jaojoby, fondateur d’un groupe légendaire malgache Jaojoby connu grâce à la popularisation du style traditionnel malgache salegy, nous a accordé une entrevue avant son concert dans le cadre de la 33e édition au festival Nuits d’Afrique.
Vladis Lim : Bonjour Joby, bienvenue au festival Nuits d’Afrique. On va commencer par votre parcours personnel, vous vivez à Montréal depuis longtemps ?
Jackson Jaojoby : Bonjour, Vladis. Il y a pas si longtemps que ça que je suis à Montréal. Ça fait 4 ans et quelques mois déjà que je me suis installé à Montréal. Avant de venir à Montréal, j’étais toujours musicien-accompagnateur avec beaucoup de groupes locaux de mon pays, Madagascar, et surtout le groupe familial de mon père, mais avant de m’installer ici, j’ai eu la chance de pouvoir venir à Montréal deux fois, toujours en tant que musicien-accompagnateur, mais c’est seulement depuis que je me suis installé ici à Montréal que j’ai commencé à faire ma propre musique en tant que chanteur et leader d’un groupe.
VL : Comment trouvez-vous Montréal pour faire carrière et quelle est la place pour la musique malgache ici au Canada ?
JJ : Je dirais que c’est comme une grande première qu’un groupe composé essentiellement de musiciens qui viennent de Madagascar commence à faire de la musique ici, c’est le début et donc pas forcément tout de suite la réussite et la reconnaissance, mais on essaye de faire entendre notre musique au public montréalais à travers les festivals comme Nuits d’Afrique, et ça va nous permettre aussi de faire connaître davantage, qu’est-ce que nous on fait, c’est quoi notre musique…
VL : Vous êtes fils d’Eusèbe Jaojoby, fondateur d’un groupe légendaire éponyme qui avait popularisé le style traditionnel salegy à Madagascar et ailleurs dans les années 80-90. Est-ce que vous continuez la tradition de votre père et trouvez l’inspiration dans le même genre de la musique ?
JJ : Effectivement, quand j’ai joué avec mon père, nous avons fait toutes ces chansons qu’il avait fait avant, mais par rapport à ma musique après, ce n’est pas vraiment le même style, mais ça n’empêche que j’interprète quelques-unes de ses chansons parce qu’ici à Montréal, la diaspora malgache, surtout des amis et des personnes qui me connaissent et qui connaissent mon père, me le demandent souvent. Ils veulent entendre les chansons de Jaojoby et ça ne me gêne pas, pourquoi pas, puisque j’ai toujours fait ça, mais ma musique apparemment est différente. J’ai essayé de faire un autre style mais à la base on peut toujours entendre un peu l’influence de la musique de la Grande Ile.
VL : Alors comment la définissez-vous ? Est-ce qu’on est toujours dans ce qu’on appelle souvent la musique du monde ?
JJ : Moi je dis que toute la musique c’est la musique du monde puisque on vit dans un même monde sur la Terre, donc c’est juste comme une appellation pour designer la musique quand c’est pas le blues, par exemple, le blues tel qu’on connait, qui vient des USA, sinon dans d’autres pays aussi, partout dans le monde, on joue le blues, mais ça reste la musique du monde. Alors pour ma musique, après beaucoup de réflexion, et on me pose souvent cette question, je la définis comme « world fusion alternative », et je vais expliquer un peu. « World » comme la musique du monde, « world music ». « Fusion » veut dire un mélange des styles non seulement ceux propres à mon pays d’origine, mais en même temps je fusionne par rapport à toute la musique qui m’a influencée depuis mes débuts. Enfin, « alternative » puisqu’à tout moment ça peut passer dans d’autres styles même à l’intérieur de la même chanson, donc on fait des va-et-vient et on joue un tel rythme dans la même chanson, et donc je l’ai appelé « world fusion alternative ».
VL : Donnez-nous quelques exemples d’artistes, en Afrique ou ailleurs, qui vous inspirent dans la musique que vous faites actuellement.
JJ : Il y en a beaucoup. On va commencer par mon père, évidemment, avec qui j’ai passé beaucoup de temps, et ça nous a bien formé, notamment par rapport aux textes de chansons. Puis aussi quand j’étais plus jeune, j’aimais beaucoup un groupe qui vient du Sénégal, Touré Kunda. Et quant à la musique occidentale, j’avoue que j’aime beaucoup Michael Jackson, Bob Marley, Metallica, beaucoup de chanteurs francophones aussi comme Georges Brassens ou Jacques Brel, mais je ne connais pas vraiment la musique de l’Orient. Et pourtant ça m’arrive de chercher souvent sur Youtube et taper comme, par exemple, la musique d’Azerbaïdjan, et puis ça me surprend puisqu’il y a des musiques qu’on n’entend pas tout le temps. Dans le marché de musiques mondiales c’est quand même la musique de l’Occident qui domine un peu, mais la belle musique, on peut la trouver partout.
VL : Il y a deux ans, dans le cadre de la 31e édition du festival Nuits d’Afrique, nous avons accueilli un groupe malgache The Dizzy Brains qui joue du punk rock et dont les chansons reflètent souvent la situation politique et sociale à Madagascar. Est-ce que c’est aussi votre cas, sensibiliser le public par rapport à la vie quotidienne à Madagascar dans vos chansons?
JJ : En tant que Malgache, ça m’arrive aussi de faire ce genre de réflexion, et pas forcément de la situation politique, comme il y a d’autres choses aussi qu’on peut aborder, par exemple, raconter la vie des gens qui vivent dans les régions éloignées et qui ne pensent pas à la politique des politiciens. Leur vie n’est pas facile, mais par rapport à ce qui se passe politiquement, eux ils s’en foutent, et pour eux c’est la question de survie. Il y a beaucoup de gens qui se battent fort pour pouvoir survivre, et des fois ça m’arrive de raconter la vie de ces gens-là.
VL : Avez-vous déjà donné des concerts en dehors du Canada ?
JJ : Avant oui, avec le groupe de mon père, nous avons voyagé partout. Mais depuis que je suis venu ici à Montréal et fondé mon groupe, ça fait même pas 1 an avec des amis ici, j’espère que ça va venir. On pratique beaucoup pour peaufiner nos chansons et dès qu’on est satisfait de la qualité de notre musique, on va passer à l’étape suivante, a l’enregistrement d’un EP ou d’un album.
VL : Votre dernier mot pour le festival Nuits d’Afrique ?
JJ : Vive le festival, la 33e édition, c’est toute une longévité, et je ne connais pas beaucoup de festivals qui durent aussi longtemps mais chapeau quand même !
VL : Merci beaucoup Joby et bon succès dans vos projets !
Propos recueillis par Vladis Lim
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