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Angola-Portugal: l’élève a dépassé son ancien maître

25 avril 1974. Il y a 40 ans, la révolution des Œillets mettait fin au régime dictatorial de Salazar au Portugal. Indépendant depuis 1975, l’Angola est devenu en quelques années le moteur des pays lusophones. Pays en crise économique et financière, le Portugal a au contraire perdu de son influence politique et n’est désormais qu’une excellente plate-forme pour les riches Angolais qui ont des fortunes à investir.

Signe que les temps ont changé, que le Portugal ne dicte plus sa ligne de conduite comme au temps des colonies, en octobre dernier, lorsque les relations entre les gouvernements portugais et angolais se sont glacées, c’est l’ancien soumis qui s’est révolté. Furieux de voir la justice portugaise s’intéresser aux contrats économiques signés par de hautes personnalités angolaises avec des sociétés portugaises, le président José Eduardo Dos Santos a immédiatement menacé : « Le climat politique n’encourage pas à mettre en œuvre le partenariat prévu avec le Portugal », a-t-il déclaré devant l’Assemblée nationale à Luanda.

Bien évidemment, ce coup de sang n’a eu aucun impact sur les affaires. Les investissements n’ont jamais cessé. Immobilier, domaines agricoles, secteurs bancaire et pétrolier ou encore téléphonie mobile, il est impossible aujourd’hui de chiffrer les sommes injectées. Différents économistes parlent en milliards de dollars, mais l’opacité des montages financiers empêche d’en connaitre les montants précis.

Fernando Oliveria est portugais. Il vit désormais à Luanda où il travaille dans le secteur du bâtiment. Il estime que son pays est devenu une sorte de grand supermarché : « Le Portugal, c’est un pays pour acheter. C’est bon d’acheter ici, c’est facile, c’est rapide. Et puis, tu peux vite obtenir ton visa gold avec un investissement de 500 000 euros. Un visa gold, c’est pour toute la vie ; tu n’as pas besoin de le refaire tous les deux, trois ans ».

Visa gold

Signe pour certains que l’argent permet de tout acheter, alors qu’il est si difficile pour les Africains de voyager vers l’Europe, pour 500 000 euros d’investissements, en particulier dans le secteur immobilier, en payant les taxes et les impôts, l’État portugais délivre un visa valable à vie dans tout l’espace Schengen. L’ancien président du Cap Vert de 1991 à 2001, Pedro Pirès estime au contraire que ces échanges sont logiques : « On va vers le métissage, comme disait Léopold Sédar Senghor, vers le métissage culturel, vers le métissage biologique. Donc il ne faut pas se lamenter, il ne faut pas aller contre le sens de l’histoire ».

Ce sens de l’histoire est néanmoins critiqué par des économistes et l’extrême gauche portugaise, qui souhaitent connaitre l’origine des fonds investis au Portugal par la famille Dos Santos, notamment par la fille du président, Isabel, première femme milliardaire du continent africain. « La bourgeoisie angolaise et le capital angolais sont extrêmement liés au noyau dur du régime et particulièrement à la famille Dos Santos », analyse Joao Teixeira Lopès. Auteur du livre Les nouveaux propriétaires angolais du Portugal, il travaille sur ces questions de domination économique qui ne profite qu’à une minorité. « Ils exercent un pouvoir sur la bourgeoisie portugaise et le Portugal. Le Portugal est dans une situation de crise économique et financière et les institutions voient les capitaux angolais comme une porte de sortie. Le tout en passant sous silence les questions des droits de l’homme, de la corruption ou du blanchiment d’argent, au Portugal comme en Angola », explique-t-il encore.

« Ici, on ne critique pas »

Désormais, si les capitaux angolais s’accumulent dans les banques et les entreprises portugaises, les Portugais, eux, partent au contraire en Angola chercher du travail. Ils sont désormais 200 000 à être implantés dans le pays. Et tous les secteurs recrutent. Après les domaines du pétrole, du bâtiment, les autorités angolaises cherchent à attirer des professeurs, des médecins.

Après des années de galère au Portugal puis une expérience au Maroc, Fernando Oliveira a donc choisi l’Angola. Directeur commercial dans une entreprise de BTP, il gagne 10 000 euros par mois. Son employeur chinois fait travailler 600 personnes (70 % de Chinois) et s’est spécialisé dans la construction d’hôtels, des bâtiments quasi exclusivement commandés par la famille Dos Santos. Pour lui, l’Angola est une très bonne destination, si l’on accepte de séparer les affaires et la politique : « A mes amis, je dis : ‘Sors du Portugal. Si tu peux aller dans un pays comme l’Angola, c’est très bien’. Toute la construction qui existe en Angola, elle est coordonnée par la famille Dos Santos ou pour des familles connectées à cette grande famille. Ici, on ne critique pas et si tu veux critiquer, tu sors. On ne fait pas de la politique, on bosse, on gagne de l’argent, on fait en sorte que la compagnie ait des résultats et voilà ».

D’après les économistes, cette vague de travailleurs portugais vers l’Angola ne devrait que s’accentuer. Les retours au pays d’Angolais installés de longue date à Lisbonne se multiplient également. Quant au président Dos Santos, il multiplie les contacts avec d’autres pays européens, il sera la semaine prochaine à Rome pour rencontrer le pape, chez Angela Merkel en Allemagne et puis en France à l’invitation de François Hollande. Le chef de l’État angolais, sans doute pour affirmer sa position dominante, n’a en revanche pas daigné s’arrêter à Lisbonne.

Source: RFI

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