Opinion/La République Démocratique du Congo : Une banque sans caméras, sans agents de sécurité
J’ai l’habitude de dire que le Congo actuel (RDC) est une banque sans caméras, sans agents de sécurité. Cette phrase, je l’ai prononcé en novembre 2014 devant un parterre d’étudiants à l’Université de Montréal (UdeM) lors d’une conférence sur la RDC. Je l’ai reprise en version anglaise le 14 mars dernier lors d’une autre assise sur la situation des réfugiés congolais devant des étudiants en médecine de l’Université de McGill.
Aujourd’hui, j’ai envie d’ajouter que cette banque n’a qu’un simple caissier derrière le comptoir, vraisemblablement pas très motivé par son emploi. Ce manque d’enthousiasme envers ses responsabilités explique surement le fait que notre indifférent guichetier regarde toujours à gauche quand les malfaiteurs rentrent à droite.
J’aimerais que vous vous prêtiez à un exercice;fermez les yeux un instant!
Maintenant que vos paupières sont baissées, imaginez-vous dans la tête d’un braqueur. Vous avez été avisé par «vos réseaux» d’une banque où il parait plus facile de voler un lingot qu’une barre de chocolat dans un supermarché. La caisse se trouve dans un quartier pauvre et lointain. Pour X ou Y raison, cette zone n’intéresse pas trop les grands médias, pas plus qu’elle ne suscite de grandes passions chez Monsieur et Madame tout-le-monde hors du ghetto. Vos acolytes vous ont précédés et tous s’entendent pour dire qu’il s’agit là du crime parfait.
Lorsque vous vous y rendez à votre tour, vous trouvez même sur place des employés prêts à collaborer. Alors, vous vous dites: si eux-mêmes volent leur propre institution pourquoi je me gênerais ? Ainsi, vous dérobez sans vergognes, sans aucun sentiment de culpabilité, sans prendre conscience des dommages collatéraux, de vies humaines sacrifiées. Les signes de dollars dans vos yeux vous empêchent de voir le sang des Congolais qui coule.
Maintenant, rouvrez les pupilles!
Non ce n’était pas un nouveau roman de J.K. Rowling, c’est bel et bien la réalité du monde dans lequel on vit. Un monde à l’envers où les voleurs portent des cravates et ont leurs compagnies inscrites à la bourse. Un univers où les victimes sont dépouillées, mutilées et enterrées dans une indifférence presque criminelle.
Le Congo n’est pas à genoux parce qu’il est riche, le Congo est à genoux parce que ses dirigeants ne veulent pas le défendre.
Il est important de faire la distinction entre vouloir et pouvoir. Ce ne sont pas les braves gens qui manquent dans ce pays pour défendre leurs terres, c’est plutôt un manque de conviction de leur gouvernement. Ce dernier étant sous tutelle d’une mafia internationale. Tout est question de volonté politique, tout vient toujours d’en haut. Les pieds n’auront jamais les bons pas de danse si la tête ne capte pas bien la musique.
En attendant, veillons à ce que notre impuissance ne se transforme pas en indifférence. Parlons, chantons, écrivons, de cette manière nous sommes, même à distance, les agents de sécurité et les caméras de cette banque.
Guy-Serge Luboya
Directeur Ela Jambo
École des langues africaines à Montréal
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