La start-up africaine de la semaine : Choco Togo, du chocolat bio 100% togolais
En cette fin d’après-midi de décembre, le calme règne dans l’usine de production de Choco Togo, dans le quartier Cacavéli, dans la banlieue nord de la capitale, Lomé. Ce bâtiment quasi-anonyme accueille depuis deux ans les bureaux de l’entreprise qui souhaite imposer le chocolat togolais bio dans le monde.
Quartier à la fois résidentiel et populaire, Cacavéli abrite le siège de plusieurs sociétés, notamment celui de la Brasserie BB Lomé. Mais le siège de Choco Togo se trouve, lui, dans une villa anodine, perdue au fin fond du quartier.
L’idée de créer une coopérative de production du chocolat est née en 2013 chez de jeunes Togolais, étudiants en agronomie, psychologie, informatique ou anglais. Ces derniers sont alors sélectionnés dans le cadre du FYSIC (« Fair Young Sustainable Inclusive and Cooperative » : « équitable, jeune, durable, inclusif et coopératif », en anglais).
Ce projet, qui dépend du programme européen Jeunesse en action (« Youth in the World »), a déjà formé soixante jeunes Togolais à l’entrepreneuriat. Les six sélectionnés, sur soixante, partent alors en Italie et reçoivent pendant dix jours avec d’autres jeunes venus de Côte d’Ivoire ou de République tchèque une formation en tourisme responsable, en e-commerce et en fabrication de chocolat traditionnel.
De retour dans leur pays, les jeunes entrepreneurs développent l’idée de transformer du cacao cultivé dans la région des plateaux, au centre du pays, et décident de proposer un chocolat local aux consommateurs togolais. Grâce à des méthodes traditionnelles, ils produisent un chocolat avec une texture granuleuse et qui peut être conservé sans fondre à température ambiante.
Choco Togo a bâti sa survie sur les cotisations de ses membres. Il n’y a pas non plus « d’actionnariat extérieur ». En mars 2014, les jeunes entrepreneurs lancent la première édition de la Fête du chocolat au Togo. L’événement entraîne la participation de nombreuses personnes et sert en même temps de déclic.
« Impact social positif »
À ses débuts, la coopérative produit de façon irrégulière 6 kilos de chocolat par jour. « On pouvait parfois en produire trois fois par semaine, il n’y avait pas de véritable marché », explique Nathalie Kpanté, 28 ans, l’une des fondatrices de Choco Togo, aujourd’hui responsable de production et secrétaire du comité de gestion.
Avant Choco Togo, cette diplômée en sociologie et en gestion de projets travaillait avec des ONG locales spécialisées dans l’aide à l’enfance et le développement rural. Elle gérait aussi un pressing avec l’aide de ses parents. Mais son ambition à toujours été d’acquérir des compétences pour ouvrir sa propre structure agroalimentaire.
Choco Togo s’est installé à Kpalimé, à 120 kilomètres au nord-ouest de Lomé, afin « d’être plus proche de la matière première et des producteurs de cacao », poursuit-elle.
Dans cette ville réputée pour son climat et sa terre favorable à la culture du café et du cacao, la jeune entreprise emploie aujourd’hui une quarantaine de femmes qui s’occupent de la première transformation du cacao. « Elles gagnent 4000 francs CFA par kilo (6 euros), explique Nathalie Kpanté. Elles peuvent transformer 8 kilos par jour ».
La jeune femme de 28 ans est fière de voir « l’impact social positif » de Choco Togo dans cette région du pays. « Ces femmes peuvent désormais s’occuper de leur foyer, ce qui est pour nous une immense fierté », ajoute-t-elle.
À Lomé, où a lieu la production, une équipe de douze personnes travaille régulièrement à l’obtention du produit fini sans additifs chimiques ou autres. Le produit séduit.
Et même si les clients les plus importants viennent de l’étranger, de Belgique, de France, d’Italie ou de Côte d’Ivoire, les points de vente au plan national augmentent. En 2016, la production est passée à une moyenne de 100 kilos de chocolat par mois. De zéro franc CFA en 2014, l’entreprise devrait réaliser en 2016 un chiffre d’affaires d’environ 4 millions.
Chocolat au gingembre ou à l’arachide
Choco Togo est disponible dans les boutiques togolaises à des prix abordables, soit 800 grammes pour 1 000 francs CFA, notamment en tablette. L’entreprise, qui a pu compter sur l’enthousiasme et l’engagement de la ministre Cina Lawson en charge des Postes et de l’Economie numérique, séduite par le produit, s’attaque désormais au marché sous-régional, notamment à la Côte d’Ivoire.
Choco Togo est par ailleurs de plus en plus présent dans les foires et salons internationaux, en Italie, à Paris ou à Bruxelles. La coopérative collectionne les récompenses. Outre le prix de l’innovation reçu en 2015 au salon du goût Terra Madre lors de l’exposition universelle, la promotrice de l’entreprise a également reçu cette année le prix de la jeunesse de la Francophonie.
Au plan national, Choco Togo a reçu en 2015 le premier prix du meilleur projet entrepreneurial au Forum des jeunes entrepreneurs (2 millions de francs CFA) et le deuxième prix de l’innovation au Salon de l’agroalimentaire de Lomé (1 million de francs CFA). Des récompenses réinvesties dans le développement de l’entreprise et qui poussent l’équipe à poursuivre ses actions.
Pour Nathalie Kpanté, il s’agira essentiellement d’augmenter la production, de payer des équipements modernes et produire 100 kilos de chocolat par jour. Dans ce cadre, Choco Togo bénéficie d’une subvention de plus de 11 millions de francs CFA grâce au Projet d’appui au secteur agricole togolais (PASA) développé par l’État.
La coopérative prévoit d’ajouter à cette subvention ses propres fonds, soit 4 millions de francs CFA, et développer dès l’année prochaine de nouveaux produits, tels que du chocolat au gingembre, à l’arachide ou à la noix de coco, et renforcer sa communication pour mieux se faire connaître.
En attendant, Choco Togo prépare l’organisation de la deuxième édition de la Fête du chocolat au premier trimestre 2017. Bénéficiaire du programme américain YALI (Young African Leaders Initiative), Nathalie Kpanté a effectué un stage de six semaines en août et septembre 2016 à Seattle au sein de Theo Chocolate, première structure de chocolaterie certifiée bio aux États-Unis. Elle espère surfer sur ces expériences pour donner à l’entreprise une notoriété mondiale.
Source: Jeune Afrique
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