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Opinion/Sénégal: le maire de Dakar, un secouriste clandestin

Birame Waltako Ndiaye
Mordicus, Barthélémy Dias revient encore et encore sur la nature des ressources mises à la disposition du maire, les fonds politiques qui font l’objet du brouhaha. Il se trompe d’approche. Il voudrait faire de la politique en souhaitant faire comprendre aux citoyens que l’affaire n’est qu’une manipulation politicienne, mais il agit en technicien du droit et oriente l’opinion dans une logique d’interprétation, donc froide. Pourtant, la bataille n’est pas d’ordre juridique. Elle doit cibler l’opinion publique et amener à une adhésion à l’idée que Khalifa Sall paye pour sa résistance à l’asservissement.

En cela, Moussa Tine, un proche du maire, a raison de souligner l’impossibilité de demander une décharge lors d’une remise d’argent à l’occasion d’une cérémonie funéraire. Quand Khalifa Sall, maire de Dakar, assiste une famille endeuillée en espèce sonnante, faut-il attendre de la veuve ou de l’orphelin une facture estampillée reçue et approuvée? Tant qu’on y est, où sont logés les faramineuses dépenses liées aux hauts patronages ministériels de soirées dansantes et de cérémonies religieuses? Macky Sall le sait très bien : les libertés qu’autorise la non-conformité de nos pratiques aux règles officielles peuvent légalement justifier toute intention de nuire à qui que ce soit.

Quand un africain échoue dans les larges de la méditerranée en essayant de rejoindre clandestinement l’Europe, il viole les règles du droit international, bien sûr. Pour autant, il est secouru si possible, soigné et disculpé. C’est non pas par le droit, mais par un sens humanitaire vers l’aide et l’assistance aux démunis que son acte transgressif devient tout au plus source de réflexion et de relecture. Khalifa Sall n’a pas eu de fonds politiques, il s’est appuyé sur un fondement politique fait d’exutoires formels et d’échappatoires imposées.

Qu’est-ce qu’on peut dire de celui qui veut un visa pour la France et emprunte une somme d’argent considérable pour prouver sa solvabilité? C’est connu, c’est frauduleux, mais c’est aussi socialement admis parce que les exigences formelles disqualifient bon nombre de demandeurs sénégalais. De la même manière, les réalités d’administration publique se butent encore aux règles calquées et décalées. C’est ainsi que le placage institutionnel n’a pas pris en compte les « diakhal » et autres libéralités attendues des gardiens de la morale publique dans les villes et communes.

Eh oui! « La loi naturelle est l’instinct qui nous fait sentir la justice », a dit Voltaire. Ce serait d’une habituelle platitude, non seulement trop simpliste, mais aussi beaucoup trop déconcertante que d’assimiler Khalifa Sall à une victime d’ambitions politiciennes. Ses partisans ont intérêt à brandir son projet politique et ne pas se contenter de viser son affranchissement, si tant est qu’ils veulent en faire une alternative crédible et haut en estime. Sauver Khalifa, c’est le présenter en résistant au placage institutionnel, en vengeur et justicier pour le compte des nécessiteux.

C’est ainsi que la ligne de défense politique des camarades du maire doit être définie afin que la judiciarisation décidée par le camp présidentiel ne prenne pas le dessus sur la promesse de renouveau de leur mentor. Le maire de Dakar est témoin et acteur d’incongruités d’une république bananière qui s’ignore. Khalifa Sall n’a pas fait les frais d’une justice aux ordres. C’est beaucoup plus grave. Il est la manifestation d’une mode de gouvernance décalée dont les malformations sont ménagées et modifiées en méthodes d’oppression.

Birame Waltako Ndiaye

waltacko@gmail.com

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