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Opinion/Les APE ne sont pas le problème, c’est nous qui le sommes

Birame Waltako Ndiaye
Le tollé dans les Accords de partenariat économique (APE), c’est l’arbre qui cache la forêt, c’est notre manque d’organisation qui nous poursuit. Pendant que les négociations étaient en cours pour un accord global, la Côte d’ivoire et le Ghana ont signé en 2007 et en 2008 des accords intérimaires au risque de faire éclater le processus d’intégration sous régionale. Au pied du mur, la CEDEAO avait pourtant rejeté un accord sur les biens et avait appelé à un délai supplémentaire pour conclure les négociations. À l’échelle des pays et des communautés africains, il y a lieu de miser sur l’atteinte des objectifs de conditions économiques gagnantes dans les échanges internationaux. L’imposant et l’incontournable marché international et ses lois iniques de capitalisme barbare nous l’imposent. Hélas !

La guerre économique entre la Chine, les États-Unis et l’UE nous avantage à la seule condition que notre positionnement ne reflète une posture d’exploités et d’abusés craintifs. L’Afrique doit en tirer profit en montant les enchères dans ses relations avec le reste du monde. C’est en conquérants, lucides et attentifs à tous les dangers, que nous nous ferons respecter et servir. A priori, les APE ne sont pas au seul avantage de l’Europe. Les APE déboucheront sur ce que nos efforts plus ou moins grands et notre vigilance en feront. Le dispositif qui maintient les tarifs douaniers sur 20 % des importations en provenance de l’UE, la libéralisation progressive sur une période de 15 ans et la protection contre les produits agricoles subventionnés nous donnent une bonne longueur d’avance.

En 2005, Jacques Chirac déclarait que l’Europe ne pouvait pas accepter que les textiles chinois envahissent le marché européen sans régulation. En réalité, l’augmentation rapide des exportations chinoises vers l’Europe et les États-Unis était une étape des négociations dites de l’Uruguay Round, en 1994. Les États-Unis et l’Europe bénéficiaient de protection des importations du textile chinois jusqu’en janvier 2005. En échange, la Chine devait conserver sa législation moins stricte sur les brevets. Sont pris ceux qui croyaient prendre, la déferlante chinoise a finalement pulvérisé la filière textile en Europe avec l’abolition des quotas au 1er janvier 2005.

L’enjeu est de profiter au maximum des mécanismes de sauvegarde et de protection mis en place par les accords, d’une part. La diligence dans la mise en place des conditions optimales de productivité et d’agressivité de nos entreprises exportatrices nous fera profiter des retombées escomptées, d’autre part. Cette responsabilité nous incombe et interpelle, au premier chef, nos décideurs. Pointer du doigt les européens et dénoncer leur légitime tendance à gérer leurs intérêts, c’est se tromper de cibles, c’est aussi manquer d’assurance et d’ambition. Oui, les APE entrainent une perte de recettes douanières (17% pour le Sénégal). N’est-ce pas là un prix à payer tout en misant, tout audacieux et entreprenants, sur la possibilité de générer des rentrées substantielles de devises et de richesses ?

Aussi bien les pays développés que l’Afrique ne peuvent se passer actuellement du commerce international. Celui-ci passe nécessairement par des accords et des relations commerciales avec le reste du monde, fut-il crapuleux et corrupteur. Dans les années 70, la politique d’import-substitution qu’on avait voulue panacée au déséquilibre commercial du Sénégal avait montré ses limites. Faire preuve de patriotisme économique, c’est dorénavant déployer et privilégier le local à l’international, c’est aussi prévenir les coups, les croche-pieds et les combines dans les chocs d’intérêts dont la finance internationale s’est improvisée proxénète. Le nationalisme économique ne peut plus signifier protectionnisme et prévision de gains justes.

Birame Waltako Ndiaye
waltacko@gmail.com

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