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Opinion/La fin du trop bon, trop couillon ou la révolte de Baltimore

Vous avez surement déjà entendu l’adage: trop bon trop couillon, ou trop gentil trop con. Longtemps les Noirs des États-Unis victimes de toutes sortes d’injustices ont été bons. Animés d’une réelle bonne intention, ils ont essayé de combattre l’oppression par la bonté, le dialogue, l’ouverture et la retenue.

Ils ont fait d’énormes concessions, croyant en cette Amérique inclusive, et persuadés d’obtenir un jour leur juste part en suivant cette méthode. C’est dans cette optique que l’intellectuel W.E.B Dubois fit la promotion de la participation à la première guerre mondiale dans la communauté noire. Dubois croyait dur comme fer qu’une fois que les Noirs se seraient battus pour les États-Unis, le pays aurait une dette envers eux. Ils auraient alors plus de poids dans le rapport de force et pourront ainsi revenir plus confiants à la table des négociations. De ce pas, des centaines de milliers d’hommes noirs ont intégré l’armée américaine, et il y a eu les fameux Harlem hell fighters qui ont multiplié les actes de bravoure. Une fois le service à la nation rendu, les survivants sont rentrés au pays, persuadés que leur destin allait changer. Selon vous, que s’est-il passé ? …rien. Les Harlem Hell Fighters n’ont même pas eu le droit de participer au grand défilé de la victoire.

Ensuite, les Noirs ont suivi l’exemple des « bons » leaders. Rosa Parks n’a pas appelé à bruler un bus, elle y est entrée calmement et s’est assise en avant. Martin Luther King ne répliquait pas aux jets de pierres et autres provocations durant ses manifestations, il continuait à marcher. Ces Africains américains de l’ancienne génération ont à peu près tout fait dans les règles. Il y a eu la mise sur pied de la One Million March, la création de milliers d’ONG, et l’activiste Jesse Jackson a même fait campagne pour se présenter à la direction de la Maison Blanche. Ah qu’ils étaient sages ces aînés !

Le problème c’est que le vrai changement tarde à arriver. Aujourd’hui encore aux États-Unis, un Noir est tué par la police toutes les ..28 heures.Et ce n’est pas fini, en termes de nombres, il y a plus d’Afro-américains en prison et en libertés conditionnelles qu’il n’y avait d’esclaves en 1850.
Comme si quelque chose ne tournait pas rond chez nos voisins du Sud. Le militant de l’organisation Black Panther, le brillant Stokely Carmichael, avait inventé le concept de racisme systématique. Une sorte de racisme fortement imprégnée dans l’État américain qui regarderait toujours le Noir d’un mauvais œil tant et aussi longtemps que tout ce système ne serait pas réformé.

L’autre problème, c’est que la nouvelle génération n’est pas aussi « sage » que la précédente. Elle ne veut pas de cette sagesse si elle signifie se faire tuer, manifester, et rentrer à la maison. Une vie humaine est beaucoup trop précieuse pour qu’on l’oublie si vite.
Avec Freddie Gray, ça fait un mort de plus, un mort de trop. En Afrique, on dit: « premier Gaou n’est pas Gaou ». Ce qui veut dire: le moi d’hier n’est pas le moi d’aujourd’hui. Les jeunes de Baltimore sont entrain de rompre avec la culture « d’être bon » de leurs parents, et démontrent au monde entier leurs manières de réagir face à l’injustice.
L’ennui avec le bon, c’est qu’il est extrémiste. Soit il est calme et conciliant, soit il est violent et incontrôlable.

Guy-Serge Luboya
Directeur Ela Jambo
École des langues africaines à Montréal

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