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Opinion: Les immigrés : des parents pas comme les autres

Dans sa parentalité, l’immigré se heurte au contraste troublant entre le réflexe de reproduction de ses propres repères éthiques et la force omniprésente des besoins nouveaux. Tiens! Rien de plus flippant quand vient le temps d’encourager son enfant à se défendre en homme. L’argument de « madame pacifique », recueil contre l’intimidation, outil de promotion du compromis, de complaisance et de machin chouette surprend toujours. Sorti de la bouche de celui censé être dur comme un chasseur, courageux comme un féticheur, il annonce l’écart troublant entre la température du corps social nouveau et celle du sérum culturel déjà inoculé.

Chaque acte, chaque aspect, tout échange à portée éducationnelle exige de l’exilé une appréciation, un verdict et un renoncement capteur d’efforts et d’énergies, plus que de raison. Comment transmettre des valeurs importées et rembourrées à des enfants conçus, couverts et gonflés en terre d’accueil sans qu’ils ne se sentent, pour autant, malheureux et mal-aimés? Voilà le challenge de l’immigré, en pâture, vis-à vis de sa progéniture contingentée. Facile à dire! Déjà, les efforts d’initiation à l’humour, au compostage, au pelletage et à la tonte de gazon surclassent toutes ses réserves de patience et d’ardeur.

Dépourvu, il est enclin, en désespoir de cause, au quitte ou double : ça passe ou ça casse. Hélas, ça casse beaucoup plus souvent. Ça s’arrange quelques rares fois, comme par hasard. De l’autorité, assimilée en sourdine à un tyran, l’enfant devenu adolescent puis adulte ménage les susceptibilités tout en s’exécutant à l’opposé des célébrations et promesses bourdonnantes. Encore pire, c’est une rupture fracassante et crève-cœur qui s’opère avec un rejet étiqueté des valeurs tant fredonnées et promues. Les fils d’immigrés les plus attachés à la terre natale de leurs parents et à ses décrets l’ont découverte et aimée sans ordre manifeste ni ultimatum.

C’est d’autant plus difficile pour un expatrié d’éduquer qu’il faut d’abord découvrir, comprendre avant de trier, d’y revenir et de risquer. Pendant tout ce temps, des décisions s’imposent, et l’enfant, encore docile et contemplateur, requiert conseils et caution. Une éducation habituelle renvoie à une tentative simple du parent de se prolonger à travers son enfant avec des ajustements occasionnels. L’immigré, lui, alors qu’il doit exercer cette influence sur l’enfant, apprivoise en même temps l’espace brut et ses sommations accablantes, comme pour l’expérimenter sur celui-ci.

La perception de l’enfant sur l’autorité parentale en exercice fait toute la différence. Dans les pays d’origine, le parent, autrefois enfant, a toujours obéi ou contrevenu aux directives de conservation avec la conviction que celles-ci sont légitimes tout de même. L’adhésion quasi généralisée aux repères éthiques nous a permis, mômes tropicaux, de nous épanouir malgré l’ampleur des invites souvent rabat-joie. À l’inverse, pris de court par le craquellement culturel et la légèreté inaccoutumée, l’immigré est porté à exiger de son enfant qu’il se soumette sans appel à un mode d’emploi rarement validé par les moules sociaux existants.

Birame Waltako Ndiaye

waltacko@gmail.com

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