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Opinion: Les APE écrasent le processus d’intégration des États africains

Les accords de partenariat économiques(APE) interpellent davantage pour leurs effets tranchants sur le processus d’intégration des États africains. Leurs objectifs fallacieux de croissance et leurs effets nuisibles sur les économies nationales ne sont que prolongement de l’ordre économique qui sévit déjà en terre africaine.

La nouvelle donne vient de leurs conséquences désastreuses sur l’agenda de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) à l’horizon 2017 en plus d’exacerber les conflits d’intérêts au sein des organisations sous-régionales.

Les négociations disparates des APE dans 5 blocs différents entraineront par la suite une difficulté dans l’harmonisation des accords en vue de les intégrer à la ZLECA. À l’échelle de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest(CEDEAO), la libéralisation envisagée avec le reste de l’Afrique ne tiendra plus. Un tarif appliqué aux importations originaires d’Europe sera beaucoup plus faible que celui prévu dans le cadre du Tarif extérieur commun(TEC) pour les importations en provenance des autres pays africains. En conséquence, les produits européens finiront par rétrécir le commerce intra-africain.

L’Afrique de l’Ouest représente plus d’un tiers des échanges entre l’Union européenne(UE) et les régions d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). 80 % des exportations de l’Afrique de l’Ouest à destination de l’Union européenne viennent de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Nigéria. Tandis que le groupe régional est en cours de négocier l’accord de partenariat, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont signé des APE intérimaires avec l’UE depuis décembre 2007.
La préoccupation majeure des autorités ivoiriennes n’est nulle autre que l’accès préférentiel à l’UE. Les exportations à des taux préférentiels comptent pour un tiers du total des exportations de la Côte d’Ivoire vers l’UE. La suppression des préférences commerciales aura pour effet d’éliminer la totalité des exportations de la Côte d’Ivoire vers l’Europe. Le cas échéant, il faudra alors recourir au mécanisme de compensation alors que ce lien de solidarité sous-régionale butera sur un paradoxe économique évident. Les pays les moins avancés (PMA) ne peuvent pas supporter un budget de compensation au bénéfice de la Côte d’Ivoire, pays en développement et non moins locomotive de la sous-région.

Par ailleurs, le Nigeria, première puissance économique du continent, n’a pas les mêmes intérêts que la Côte d’Ivoire et le Ghana. Ses exportations sont destinées en grande partie aux marchés américain et asiatique. Il ne peut pas envisager une perte de recettes douanières tout en s’exposant à la concurrence européenne. Le Nigéria, à travers ses objections à l’APE, redoute que la mise en œuvre de l’accord nuise à ses capacités d’industrialisation. Or, les accords prévoient que si seulement ¾ des États ratifient, les APE entreront en vigueur. Sans le Nigeria, l’unité économique de la CEDEAO sera torpillée, à coup sûr, en raison d’une remise en cause systématique du tarif extérieur commun et des autres outils d’intégration.

Selon Fatou Cissé du Consortium pour la recherche économique et sociale, le Sénégal et le Nigeria vont être plus affectés par l’application éventuelle des accords avec l’UE parce qu’ils n’appliquent pas de taxe à l’exportation. Au Sénégal, les droits de douane représentent 17% des revenus fiscaux. La suppression de ces revenus sur les produits en provenance de l’UE constituera un manque à gagner qui ne pourra être compensé que par une taxe asphyxiante sur les exportations. Belote, rebelote!

Le règlement, « tout sauf les armes », octroie déjà un accès libre au marché européen pour les PMA pour tous les produits à l’exception des armes et des munitions. Pour autant, nous n’en profitons pas de manière optimale faute de structures de production compétitives. Par ailleurs, les barrières non tarifaires représentent des contraintes souvent insurmontables. Ainsi, les importations sénégalaises en provenance de l’Union européenne atteignent 22,8% contre 23,5% des exportations en direction de l’Europe.

Birame Waltako Ndiaye

waltacko@gmail.com

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