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Madagascar: Marie-Christina Kolo, une militante aux multiples combats

Marie-Christina Kolo, une militante aux multiples combats

Malgache née à Nosy-Be, Marie Christina Kolo, est une source d’inspiration pour de nombreux jeunes. Militante, elle s’active pour mener de nombreux combats qui lui tiennent à cœur. Dès son plus jeune âge, Marie Christina Kolo était dotée d’un esprit entrepreneurial et s’engageait déjà dans des actions sociales.

Eco-féministe, activiste climatique et entrepreneure sociale. Ce sont les trois casquettes qui définissent Marie Christina Kolo. «Ce sont les trois principaux combats que je mène aujourd’hui. Il s’agit non seulement d’un combat pour l’équilibre entre l’homme et l’environnement mais aussi un combat pour le patriarcat et le capitalisme. En tant qu’entrepreneure sociale, je prône une autre économie : une économie sociale et solidaire, plus inclusive, sans discrimination » s’est-elle exprimée lors une interview accordée à la rédaction.

Marie Christina Kolo a commencé très tôt la vie associative. Dès l’âge de 8 ans, elle était passionnée de documentaires et imaginait avoir une ONG pour lutter contre la pauvreté. Elle a mis en place une association avec ses amis pour lancer un business d’autocollants. «On achetait des autocollants chez des grossistes pour les revendre plus chers à l’école». En plus des bénéfices récoltés, ils ont recouru à d’autres systèmes comme les collectes de vêtements et de jouets, pour les distribuer tout au long de l’année dans des orphelinats.

Si ses parents sont originaires de Nosy-Be, Marie Christina Kolo a grandi à Antananarivo, la capitale de Madagascar. A 17 ans, après le baccalauréat, elle est partie en France. «J’ai fait des études en sciences politiques avant de me spécialiser dans la gestion de projet communautaire et développement ». Pour ce qui est du parcours professionnel, elle a eu l’occasion de travailler dans plusieurs pays. Au Sénégal, Marie Christina Kolo a travaillé pour une organisation paysanne. En Chine, elle travaillait dans une ONG de protection environnementale et œuvrait dans la lutte contre la pollution en zone urbaine. Elle a aussi été coordinatrice de projet en Inde, pour une ONG qui s’occupait de la réinsertion des enfants des rues. «J’avais l’opportunité de continuer une carrière à l’international dans des ONG, mais j’ai décidé de rentrer à Madagascar. J’ai beaucoup appris de ces différentes expériences, et je voulais faire quelque chose pour mon pays».

Retour aux sources

A 25 ans, Marie Christina Kolo retourne à Madagascar. Elle a été recrutée en tant que volontaire des Nations-Unies pour le Programme des Nations-Unies pour le Développement PNUD. Elle a travaillé dans les régions Androy, Vatovavy Fitovinany avant de démissionner pour créer sa propre organisation : «Green N Kool ». C’est une ONG qui fonctionne comme une entreprise, car ce sont ses propres revenus qui permettent de financer les actions. Plus de cinq ans après, le bilan de Green N Kool est positif et les partenaires sont multiples. «Nous donnons des formations à des ONG, des communes, des « fokontany » (subdivision administrative de base) pour améliorer leur système de gestion de déchets. Nous travaillons aussi bien avec la Banque Mondiale, l’UNICEF, l’Union Européenne… ». Cette entreprise sociale offre aujourd’hui une quarantaine d’emplois à des personnes vulnérables, surtout des femmes, à travers des actions de recyclage.

Green N Kool a pu gagner de nombreux prix aussi bien sur le plan national qu’international, comme celui du « best social start up » au Southern Africa Startup Award en 2019. Le savon à base d’huile alimentaire, un produit qui a été initié en 2020 durant la crise sanitaire a également été récompensé lors de différents concours, notamment celui organisé par l’Agence Internationale de Coopération Japonaise ou JICA. Le projet «Alt Soap» a en outre obtenu le « prix du jury » lors de la deuxième édition du concours «Med’Innovant Africa 2020-2021».

Savon éco-responsable et solidaire

Eco-féministe

C’est particulièrement dans la région Androy que la jeune activiste s’est rendue compte des impacts du changement climatique. « J’ai vu le Kere (la famine), j’ai vécu la sècheresse. J’ai mobilisé les jeunes sur place pour qu’ils soient sensibles aux changements climatiques et qu’ils sensibilisent à leur tour leur entourage. C’est un peu comme ça que le combat pour le changement climatique a commencé ». A l’approche de la COP-21, avec une amie, elle a mobilisé leur entourage à travers les réseaux sociaux, pour organiser la première conférence des jeunes de l’Océan Indien sur la thématique des changements climatiques qui faisait partie d’un mouvement mondial. « J’ai été l’une des 15 jeunes des pays en développement à avoir été sélectionnée pour participer à la COP 21 et représenter les jeunes des pays en développement lors des négociations. C’était une première pour Madagascar bien que les autorités ne nous ont pas aidés pour les accréditations».

Marie Christina Kolo est persuadée de la nécessité de concilier les valeurs environnementales et féministes. «Aux yeux de certains, cela nous donne une image extrémiste lorsqu’on dit que la femme et la nature sont similaires. Une femme comme la nature, peut être dépouillée de ses entrailles. La culture du viol existe dans notre pays et atteint des femmes au quotidien». Cette vision lui a permis de représenter Madagascar encore une fois à la COP-25. Elle n’était plus dans les entités jeunes, mais les entités féministes. L’an dernier, l’activiste a aussi été invitée par le président de la COP 26 à Glasgow.

Marie Christina Kolo et Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU lors de la COP 25, à Madrid en Espagne

Aujourd’hui, Marie Christina Kolo elle est à la tête de la coalition nationale genre et justice climatique pour la mise en place du forum génération égalité. La combattante travaille aussi pour CIVICUS, l’alliance mondiale des activistes de terrain…et la liste n’est pas exhaustive.

« Women Break the silence »

Marie Christina Kolo a également initié un projet plus personnel. Elle est une «survivante» d’agressions sexuelles subies pendant son enfance, une situation qu’elle a dû taire pendant des années. «A plusieurs moments, on me considérait comme une leader dans mon domaine. Mais j’avais l’impression de ne pas être honnête envers moi-même si je ne dénonçais pas ce que j’avais vécu» a-t-elle confié. C’est en janvier 2019 qu’elle a commencé à en parler publiquement pour aider des femmes et des hommes à briser eux aussi le silence. «J’ai mis en place des groupes de soutien pour les personnes qui ont été victimes. Se soutenir avec des personnes qui ont vécu la même chose, cela aide beaucoup».

Marie Christina Kolo et son équipe


Chaque année, le département d’État américain organise un concours pour ses anciens boursiers. «J’ai été boursière du Mandela Washington Fellowship aux Etats-Unis et du Young African Leaders Initiative Regional Leadership Center YALI-RLC en Afrique du Sud. J’avais embarqué des amis dans un projet national de lutte contre les violences sexuelles, baptisée « Women Break the silence». Nous avons voulu le faire à travers tout ce qui est artistique et culturel (BD, slam, théâtre radiophonique…) en divers dialectes. Et nous avons gagné un financement de 25.000 USD» a enchaîné notre interlocutrice.

L’une de ses plus grandes fiertés aujourd’hui, c’est que ses parents lui ont transmis le goût pour les études. « Mes parents, avec le peu qui leur était donné, ont réussi à me donner une éducation qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui» s’est-elle exprimé, toute reconnaissante. Marie Christina Kolo accorde une importance majeure à l’éducation. Elle a mis en place une école dans le village de sa mère à Antsatrabevoa (Nosy be). Elle se réjouit de voir des enfants en brousse aller l’école ou passé leur premier examen officiel pour l’obtention du Certificat d’Études Primaires Élémentaires CEPE.

« Lorsqu’on avait des vacances, mes parents tenaient à ce que l’on aille dans leur village d’origine pour qu’on n’oublie pas nos racines. Nos familles ne s’en sont pas tous sorties et une partie vit très simplement dans un village sans électricité, sans eau potable … » a-t-elle indiqué. Mais c’est l’endroit où elle a passé ses meilleurs moments. Et c’est là où elle se rend quand elle a besoin de se reposer, se ressourcer.

Par Claudia Rasoloson, correspondante à Madagascar

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