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Dialogue politique au Togo: le président Gnassingbé et le devoir de transcendance

Monseigneur Philip Fanoko Kpodzro

Quelle sera la surprise du chef à l’issue du dialogue pour résoudre la crise politique au Togo? C’est la grande inconnue du dialogue national qui démarre véritablement le 19 février prochain. A quelques jours de son ouverture, les pressions s’abattent de plus en plus sur Faure Gnassingbé, le chef de l’État togolais, l’invitant à œuvrer pour l’alternance démocratique. La mission pour lui s’appelle transcendance. Parviendra-t-il?

L’exhortation de l’évêque

Le jeudi 15 février, les préliminaires devant baliser la voie au dialogue la semaine prochaine ont commencé. Bien avant ces préparatifs, l’évêque Philippe Fanoko Kpodzroa fait une sortie la veille à l’endroit de la classe politique togolaise et surtout au régime au pouvoir. Le prélat était devant les journalistes nationaux et tout le gotha de la presse étrangère pour donner sa position sur le dialogue.
« En toute humilité, je réitère la demande de la réhabilitation de la Constitution de 1992 dans son intégralité, avec toutes ses implications juridiques », a déclaré l’archevêque émérite de Lomé.

Ce retour à la Constitution de 1992, a son pesant. Philippe Fanoko Kpodzro comme il l’a dit lui-même est le père de cette constitution votée à 98% par les Togolais. En effet, c’était sous lui que le Haut conseil de la république qu’il a eu à diriger après l’arrêt de la Conférence national souveraine, a accouché des dispositions de la constitution. « Pour nous autres, cette constitution représente en réalité une vraie voie de salut pour un processus démocratique paisible dans notre pays, contrairement à certaine opinion qui estimerait qu’elle serait taillée contre une personne. Ce qui n’est pas vrai, et vouloir en faire un argument de résistance à l’éventualité de retour de ladite constitution, relève du pur dilatoire », a-t-il souligné.

Toutefois, l’homme de Dieu recommande des « élargissements enrichissants si nécessaire » au retour de la Constitution de 1992. Ce qui, selon lui suppose que Faure Gnassingbé « finisse complètement, convenablement et dignement son mandat actuel et accepte de ne plus se représenter aux élections de 2020, ce qui sera tout à son plus grand honneur ».

Cette sortie de ce témoin vivant de la longue crise sociopolitique que connaît le Togo depuis l’avènement du pluralisme politique en 1990, est le énième. Au temps fort de la crise, les évêques du Togo ont fait une sortie remarquée. Dans une déclaration, ils ont appelé aux réformes constitutionnelles avec en toile de fond, la limitation du mandat présidentiel. De même, en annonçant sa retraite politique, l’opposant historique Gilchrist Olympio qui, a eu à combattre le père de l’actuel chef de l’État togolais avant de signer un accord qualifié de paix brave, a invité ce dernier à céder le fauteuil présidentiel en 2020.

C’est dans cette logique que le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, a parlé d’une transition politique. Son discours prononcé la semaine dernière devant l’ambassadeur togolais accrédité à Lagos, capitale du Nigeria, est adressé au pouvoir de Lomé.
Si le message a froissé le régime, comme certains journaux privés togolais l’ont relayé, beaucoup d’observateurs de la crise togolaise pensent que ce n’est pas un acte isolé.

Pour eux, c’est ce que pensent les chefs d’État de la sous-région ouest-africaine. Surtout que selon ces analystes, le président nigérian aurait contacté certains de ses pairs, la veille de son discours à l’endroit du Togo, dont le cas singulier (le refus d’alternance au sommet de l’État) inquiète l’espace communautaire CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest).

A ces injonctions à peine voilées, s’ajoute la pression de plus en plus grandissante de la société civile togolaise. Le Front citoyen Togo Debout qui regroupe plusieurs sociétés civiles propose aussi un « schéma transitoire » pour une sortie de crise définitive. A l’ensemble des 14 partis politiques de la coalition et du parti au pouvoir, il met en garde. « Aucune compromission ne se fera plus sur le dos du peuple togolais ».

Le devoir de transcendance

Faure Gnassingbé engagera-t-il son pays sur les rails de l’alternance après le dialogue? C’est la grande question. S’il arrive à se transcender, le chef de l’État togolais sortira grandi comme le souhaite Monseigneur Philip Fanoko Kpodzro et beaucoup de chefs d’État de l’espace CEDEAO.

Mais le chef de l’État togolais est connu pour son silence. Son mutisme bruisse de mystères. Et certains fusent par ses velléités de se maintenir au pouvoir notamment l’idée de référendum qui lui tient à cœur est une preuve suffisante. Aussi la sortie mercredi dernier des forces armées togolaises n’est-elle pas anodine. Elles ont réitéré leur engagement à « lutter contre toute menace de nature à remettre en cause les efforts de réconciliation et de développement du pays ».
Pour les analystes de la scène politique togolaise, c’est une manière voilée de faire allégeance à Faure Gnassingbé. Et cela n’est pas de nature à baliser la voie à une étape transitoire.

Beaucoup d’enjeux pavent la voie de la transcendance du président togolais. Outre les enjeux économiques et politiques, il y a celui à caractère familial. S’il arrive à passer la main, il serait le dernier Gnassingbé a accédé à la magistrature suprême. Ce qui serait perçu au sein de la famille et au sein d’un quarteron de l’armée comme une trahison. Or, Faure Gnassingbé doit se faire violence et se transcender. C’est « tout à son plus grand honneur», lui a rappelé l’évêque.

Le Togo ne peut plus continuer à rester en retrait des grandes mutations politiques comme la limitation du mandat présidentiel en Afrique. Aussi le régime ne doit-il plus poser des actes qui contribueront à son isolement.

Transcender ou « périr », c’est l’équation que le président togolais devra résoudre. Il lui appartient de choisir la bonne décision.

Par Anani Galley, correspondant au Togo

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