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Covid-19 au Togo : l’espoir est dans la prévention

Au Togo, les autorités semblent cafouiller. A part les informations classiques sur la propagation de la pandémie distillées dans l’opinion, elles donnent l’impression d’être dépassées par les événements et s’abritent derrière une campagne de prévention sur la maladie. Pendant ce temps, le nombre de cas confirmés ne cesse de croître au jour le jour. Samedi 28 mars, le pays compte 28 malades et un décès, celui du Directeur de publication de l’hebdomadaire « Chronique de la semaine ». Les voix autorisées craignent le pire dans les jours à venir.

Selon les informations relayées par la presse locale jeudi passé, un patient au Coronavirus s’est enfui du CHR Lomé-Commune. « Il y a un malade hier qui est arrivé et qu’on devait installer. Le temps que les équipes s’habillent pour aller l’installer, il est reparti et nous le cherchons depuis hier », a déclaré Pr Ihou Wateba, un infectiologue.

Il n’en est pas resté là. « C’est pour vous dire aussi la complexité du travail. Nous avons eu déjà des cas difficiles comme ça. Il y a des cas testés positifs et on leur dit, restez chez vous, le temps que l’ambulance n’arrive pour vous chercher, ils disparaissent », a-t-il ajouté. La révélation fait décupler la psychose. Surtout dans un pays où le système sanitaire est défaillant.

Lors de la rencontre des médecins avec le chef de l’Etat en début de cette semaine, ces derniers ont fait part de leur inquiétude. Ils auraient fait l’état des lieux du système sanitaire dont dispose le Togo pour contrer la maladie virale. Le diagnostic fait froid dans le dos. Le pays n’a pas de structures adéquates pour endiguer la propagation ! Le CHR Lomé-Commune réquisitionné pour les cas confirmés a montré ses failles. Conséquence, le patient cité plus haut a fui l’hôpital pour se retrouver au Bénin où il espère bénéficier des soins appropriés dignes de ce nom.

Depuis le premier cas déclaré, les autorités en collaboration avec les médecins font avec les moyens très limités. L’accent est mis sur la prévention avec un numéro vert (111) mis à la disposition de la population. Insuffisant. Car malgré la progression de la maladie et la psychose, une partie de la population manifeste une indifférente au Covid-19.

Alors que dans un message relayé sur les réseaux sociaux et daté du 20 mars dernier, le médecin infectiologue Ihou Wateba lançait un cri d’alarme déjà sur le risque encouru par son pays : « Nous avons, dans la soirée du 20 mars, réussi à libérer l’ensemble des patients du CHR Lomé et déplacer tous les malades du Covid-19 vers ce centre. Ça n’a pas été une partie de plaisir pour l’équipe des maladies infectieuses. On vient d’installer le dernier patient de Tsévié à 3 heures du matin. Le mal se propage vite. Protégez vos familles et vous-mêmes et priez pour nous », a-t-il alerté.

L’histoire d’une mise en garde ignorée

En mars 2003, Koffi Panou, un ex-ministre de feu Gnassingbé Eyadéma, président du Togo de 1967 à 2005, succombe à une crise cardiaque, faute d’un hôpital de référence dans le pays. Il prenait part aux funérailles de sa défunte mère. Plus tard en 2013, soit 10 ans après le décès de l’ancien ministre et baron du système RPT, parti unique devenu Union pour la République (UNIR), les médecins réunis au sein du Syndicat national des praticiens hospitaliers du Togo (Synphot) montaient au créneau pour dénoncer leurs conditions de travail et de vie. Sur la table des doléances, les praticiens posaient un certain nombre de revendications. Leurs réclamations prirent une ampleur avec des grèves perlées. Mais au fil des jours et des mois, le pouvoir en place incarné par Faure Gnassingbé, le fils de l’ex-chef d’Etat œuvre non pas pour saisir la légitimité des revendications du personnel soignant mais plutôt manœuvrer pour saboter les actions du Synphot.

Résultat : le Centre hospitalier universitaire Sylvanus Olympio (CHU SO), le plus grand centre de santé public au Togo manque de tout. Pas de scanner ! Faut-il le rappeler, en 2010, la Banque d’investissement de développement de la Cedeao (BIDC) a financé à hauteur de 10 milliards FCFA l’achat des scanners pour doter les CHU des 5 régions que comprend le pays. Les scanners n’ont jamais fonctionné ! La raison, ils sont curieusement tombés en panne. Prof Badjona Sognè, un proche du chef de l’Etat, qui a piloté le projet n’est nullement inquiété jusqu’à ce jour.

Pendant ce temps, le CHU SO, à l’instar d’autres centres de santé publics, continue de fonctionner comme un hôpital de brousse avec ses moyens dérisoires où on manque de tout. Aussi, les grandes assises de la santé annoncées par Faure Gnassingbé en 2013, au temps fort de la contestation du Synphot, n’ont jamais eu lieu. Parallèlement, la minorité pilleuse (pour reprendre l’expression de Faure Gnassingbé lui-même) se soigne dans les cliniques privées de Lomé ou sautent dans les avions au moindre bobo, laissant les « mouroirs » à la plèbe.
Jamais le pouvoir de Lomé n’a voulu anticiper sur une épidémie ou pandémie telle que le coronavirus en dotant le pays d’hôpitaux modernes à l’instar du Ghana, du Bénin, de la Côte d’Ivoire, entre autres. Plus de 50 ans au pouvoir, la priorité du régime n’a visiblement jamais été la santé. Et la réalité vient le rattraper et le contraindre à une débandade et à un système D. L’hôpital moderne Saint Pérégrin annoncé, peine à sortir de la terre.

Au Togo, l’espoir est dans la prévention. Le Covid-19 progresse à la manière d’un serpent qui s’enroule lentement sur le corps de sa victime avant de l’étouffer. Que les autorités apprennent cette fois-ci de cette effroyable maladie pour « se réveiller ». A bon entendeur…

Par Anani GALLEY, correspondant au Togo

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