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L’islamophobie: de l’école à la société

Les attentats du 11 septembre 2001 ont eu des conséquences non seulement sur le devenir des Américains, des Irakiens mais aussi des Français. En effet, la France a importé cette islamophobie des États-Unis et a métamorphosé le problème ethnico-racial des banlieues en problème religieux.

Définir « l’autre » comme différent afin de réaffirmer son appartenance nationale ou plutôt son appartenance élitiste est pratique courante. Cependant, en 2001, ce stéréotype de l’autre évolue et en plus de sa casquette, cet « autre » porte désormais une barbe.

Cette image, étant véhiculée dans la sphère publique, est logiquement représentée dans les manuels éducatifs. Il y a quelques jours, Béactrice Mobilon, sociologue et François Durpaire, historien suggèrent dans leur recherche que les manuels scolaires emploient un vocabulaire décrivant la figure du Musulman comme étant étranger à la nation.

Des termes tels que « attentats », « guerre », « islamisme », pour n’en citer que quelques uns, contribuent à cette augmentation et vulgarisation de l’islamophobie en France et assure ainsi une certaine reproduction sociale. En cette période de rentrée scolaire et depuis la nomination d’une nouvelle ministre de l’éducation, il serait bon de réévaluer les conséquences du programme académique sur nos chères « têtes blondes » et sur la France de demain.

La Reproduction Sociale: De la xénophobie banalisée à la création d’identité(s) rejuge(s). En 1982, Rosenthal, Inbar et Babad développent le concept de « l’Effet Pygmalion » (ou « prophécie auto-réalisatrice »). Ils suggèrent que l’étudiant est conditionné à devenir ce qu’on attend de lui. Son futur dépend en partie des préjugés dont il est victime. D’une manière similaire en France, ce conditionnement scolaire influence forcément le devenir de ces élèves musulmans, qui sont en majorité d’origine Afro-Maghrébine.

Cette image du Musulman dangereux est en partie construite à l’école et entretenue par la société en permanence, encore une fois pour assurer la reproduction sociale. En excluant le Musulman de la sphère publique, il ne fait que suivre le chemin qui lui est tracé, la case qui lui est réservée et il s’exclut donc lui-même de cette sphère réductrice que l’on appelle erronément la France.

En ce sens, la construction de l’antagonisme (des stigmates, pour reprendre le mot de Goffman) entre les Français dits de « souche » et ceux dits de la « minorité », se met en place par les instances scolaires sur le compte d’une frange de la population qui fait ici figure de bouc émissaire.

En conséquence, il devient logique pour certains Musulmans afro-maghrébins de se construire une « identité refuge », une identité à l’aune de présupposés véhiculés par la société et le système éducatif, en parfaite contradiction avec les valeurs « officielles » de la République (Z. Gaïd, 2013).

Cette transmutation des perceptions a un effet rassurant, dans le sens où « tout devient enfin clair ». En donnant du sens au mépris ressenti, la minorité se croit ainsi libérée de l’emprise d’une société qui ne veut pas d’elle. Ainsi, les refus de participer et d’intégrer la société sont perçus comme des actes libérateurs, des actes de résistance contre une politique d’acculturation perçue comme un évincement total de leurs singularités identitaires (Z. Gaïd, 2013).

« J’ai pas foiré l’école, c’est l’école qui m’a foiré. »

En somme, le stéréotype du Musulman Afro-Maghrébin qui ne se sent toujours pas Français est avant tout un produit de la République et de son éducation exclusive. Elle pénalise la société dans son ensemble. Une éducation inclusive n’aurait pas pour but de changer la culture française mais d’être représentative de tous ses citoyens pour assurer le vivre-ensemble plutôt que le « vivre comme moi ».

Pourquoi les manuels scolaires n’évoquent-ils pas le rôle positif des Français de confession musulmane dans la deuxième guerre mondiale, dans la révolution de 1789 ou autre date définissant l’identité française? Pourtant, des historiens tels que Pascal Blanchard ont effectué le travail de recherche. Il ne resterait plus qu’à intégrer leurs travaux dans les manuels scolaires. Cela reviendrait à inclure cette minorité dans la sphère publique mais il ne semble pas que ce soit dans l’agenda politique actuel. Peut-être le sera-t-il dans quelques années?

Le bien être d’un pays s’observe à la manière dont sa plus grande minorité est traitée. L’école française qui forme les citoyens de demain se doit d’accepter et de reconnaître les Français de confession musulmane comme étant des citoyens à part entière.

L’école ne doit pas essayer de les « déconvertir » mais de renforcer leur droit de culte pour qu’ils acceptent mieux leur devoir de citoyen, et ceci, non pas pour leur bien-être à eux mais pour celui de la nation entière.

Par Noumane Rahouti, Professeur à Oklahoma City University et doctorant à University of Oklahoma, USA, en Sociologie et Education. (article publié aussi dans http://www.huffingtonpost.fr)

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