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Harry Roselmack : « La France n’est pas raciste, mais… »

Il ne court ni les plateaux ni la lumière. Harry Roselmack avoue préférer l’investigation à long terme plutôt que l’antenne et ses projecteurs. Mais lorsque le journaliste de 41 ans s’exprime, il ne tergiverse pas. Inquiet de la poussée du racisme en France, le présentateur de 7 à 8 sur TF1 s’exprime sans détours. Le journaliste est actuellement en Martinique dans le cadre des 45 ans du Club Med Les Boucaniers, à Sainte-Anne.

En novembre, vous avez publié une tribune dans Le Monde intitulée » La France raciste est de retour » . La percée du Front National aux élections municipales vous conforte-t-elle dans votre opinion ?
Par frustration, le peuple français se replie derrière certaines valeurs. On peut entendre cette peur et cette méfiance, mais ni l’insulte ni l’injure. Lorsqu’on atteint ce stade-là, il faut réagir. D’où cette tribune. Le manque de réaction, c’est ce qu’il y a de pire. Ça nous rappelle de sombres heures de l’Histoire.
Lorsqu’on ne respecte plus son prochain, qu’on le marginalise, qu’on le traite de singe, c’est la porte ouverte à toutes les dérives.
Il y a quelques années, peu de personnes osaient avouer leur vote pour le Front National. Aujourd’hui, certains le revendiquent avec fierté…
Ça ne m’étonne pas et ça m’inquiète. C’est aussi le résultat d’un changement de discours du FN. De nombreux éléments provocateurs ont été éliminés. Par le passé, ce parti affichait des positions idéologiques extrêmement contestables. A présent, il va devoir démontrer si ce changement de discours s’accompagne d’actes. On verra si cette mue du Front National n’est qu’une façade.
Les médias ont-ils une part de responsabilité dans la banalisation de la parole raciste et du discours du Front National ?
Les médias ont une responsabilité dans beaucoup de choses, mais pas dans la banalisation du discours de FN. C’est un parti qui a droit à une audience médiatique. C’est simplement la conséquence d’une conjoncture économique, du chômage, de l’insécurité. Les médias ne sont que le relais de cette expression.
Il y a quelques semaines, un rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’Hommes révélait que 35% des Français se disaient racistes. Etes-vous surpris ?
La France n’est pas raciste. Pas plus que dans les années 1950 ou 1960. Mais la frange de la population française qui est raciste se libère. Depuis une petite dizaine d’années, les frustrations ont participé à cette libéralisation. Certains ne se gênent plus. Mais je ne crois pas en ce chiffre. Aujourd’hui, il y a un dévoiement du mot raciste.
C’est-à-dire ?
On utilise ce mot pour tout et n’importe quoi. Aujourd’hui, lorsqu’on rejette quelqu’un en fonction d’un critère, on est raciste. Mais ce n’est pas ça le racisme. Quelqu’un qui n’aime pas les étrangers n’est pas forcément raciste, mais xénophobe.
Le raciste, c’est celui qui considère qu’un autre lui est inférieur ou est en-dehors de l’humanité car il est d’une race différente. Qu’aujourd’hui, les Français soient plus intolérants, ça, j’y crois. Mais il n’y a pas 35% de Français racistes.
Les Antilles et la Martinique, terre de vos parents, traversent une période difficile avec une poussée du chômage et de la délinquance. Pourtant, on en parle peu dans les médias. Pourquoi ?
Les Antilles, ça semble loin. En France, on fait face à des contradictions apparentes. Nos textes fondateurs prônent l’unité du peuple français. Mais notre mentalité est tout à fait contraire. En France, encore aujourd’hui, lorsque vous avez la peau noire, vous devez apporter la preuve de votre nationalité. Aux Etats-Unis, on ne se demande pas si un noir est Sénégalais ou Ivoirien. Avec les Antilles, c’est la même chose. Sur le papier, ce sont des Français. Mais dans leur apparence et leurs codes, on les perçoit différemment.
Votre parole est assez rare, on vous voit très peu à la télévision, dans des émissions de divertissement ou des magazines. Pourquoi ?
L’antenne n’a jamais été ma priorité. Je préfère passer trois mois ou un an pour préparer un documentaire plutôt qu’être tous les jours à la télévision. Ma priorité, c’est le travail de fond. Je me rends dans certaines émissions lorsque j’ai quelque chose à vendre. Pas pour le plaisir. Afficher ma bobine à la télé, je n’en ai pas envie.
Vous n’avez même pas de comptes Twitter et Facebook…
Raconter ma vie sur Facebook, ça ne m’intéresse pas. Et Twitter m’inquiète. Ça cumule à la fois les inconvénients de l’oralité et de l’écrit. On s’y exprime d’une façon instantanée, sans la réflexion que suppose l’écrit. 70% des Tweets, ce sont des choses sans intérêt, fausses ou erronées. Je n’en ai pas besoin pour me tenir informé rapidement. La course aux news doit absolument être maitrisée. Ça l’est à la radio et la télé, mais pas toujours sur internet.
La course aux scoops est-elle vraiment maitrisée à la télé ? Vous avez travaillé sur i>Télé, en 2005, puis LCI. Le traitement de l’information sur ces chaînes n’a-t-il pas évolué ?
On a poussé la raison d’être de ces chaînes à son extrémité.
Aujourd’hui, l’info est en direct. C’est ce qui fait par exemple le succès de BFM TV. Mais ça a aussi des désavantages. Avant, on avait le temps de traiter un sujet.
Aujourd’hui, il n’y a plus de recul. Un journaliste, en duplex, se retrouve à commenter immédiatement un événement. Ça génère du risque.
Pourriez-vous retravailler pour une chaîne d’info ?
Honnêtement, je ne n’aurais pas envie.
Mon parcours m’a amené à une prise de recul, à des formats plus longs, traités en profondeur. « L’hyper news » est utile, je m’en sers tous les jours, mais en tant que journaliste, ça m’intéresse moins.
Le dernier épisode d’« Harry Roselmack en immersion » remonte au mois d’avril 2013. Pourquoi est-ce si long ?
(Il sourit) Depuis un an, on tourne! Je préfère prendre mon temps et être satisfait. C’est dur, nous n’arrivons pas à obtenir toutes les séquences que l’on imagine. Tant que l’on ne les aura pas (il ne souhaite pas aborder le thème de cette émission, NDLR), l’émission ne sera pas diffusée. Mais si on y arrive, le sujet sera extrêmement fort.
Les téléspectateurs sont cas friands de ces longues enquêtes. 7 à 8 réalise de très bons scores, Cash Investigation sur France 2 et Capital sur M6 également…
Avec ce type d’émission, nous aidons à décrypter le monde dans lequel nous vivons. Pour comprendre et digérer l’info que l’on retrouve sur les chaînes d’info, c’est nécessaire. C’est l’évolution également des JT : donner les clefs.
Pourriez-vous revenir un jour à la présentation du JT ?
C’est une page que j’ai voulu tourner. Je n’ai pas l’intention d’y revenir. Il ne faut jamais dire jamais, mais aujourd’hui, je n’en ai pas l’envie. Ce n’est absolument pas dans mes projets. Selon moi, le 20h n’est pas le graal du journalisme.
 source: Franceantilles.fr

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