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DE LA PAIX INTÉRIEURE À LA PAIX SOCIALE : UNE IMMERSION DANS LES ATELIERS SURYA WORLD

crédit photo: Surya World Montréal
Du 17 au 20 septembre, le professeur de yoga et fondateur de Surya World, Stéphane Chollet, était de passage à Montréal pour une conférence et une série d’ateliers axés sur le développement personnel. Au programme : auto-défense, tai chi et qi gong, yoga et méditation. Mais surtout, beaucoup de réflexion sur la signification de ces activités et leur enjeu sociétal. Car la vision du bien-être prônée par l’organisme à but non lucratif se veut avant tout altruiste, loin d’une course individualiste à l’épanouissement : développer les potentialités de chacun afin de se tourner davantage vers les autres. Y aurait-il du nouveau sous le salut au soleil? Nous avons testé pour vous.

Les gourous en tous genres m’inspirent le plus souvent une grande méfiance. Et les animateurs de séminaires (surtout ceux autour desquels flotte une odeur de culte de la personnalité) me font immanquablement penser au personnage de Frank T.J. Mackey, le sociopathe au charisme fou incarné par Tom Cruise dans le film Magnolia (1999). C’est pourquoi, lorsque l’on m’a proposé d’assister aux ateliers donnés par Stéphane Chollet la fin de semaine passée, j’ai accepté avec enthousiasme et réticence à la fois.

Passionné d’arts martiaux et de yoga, de spiritualité et de voyages, cet entrepreneur français aux multiples vies a fondé -avec son épouse Karla Alvarez- Surya World, un organisme à vocation altruiste. Ses antennes à Paris, Montréal, Londres ou Genève proposent en effet toute une palette de cours dédiés à l’épanouissement personnel, des arts martiaux au suryashtanga yoga (une forme plus « douce », moins axée sur la performance de l’ashtanga yoga, chouchou des salles de fitness) en passant par la méditation. Et chaque année, l’informaticien devenu yogi sillonne la planète, de l’île de la Réunion à la Thaïlande, pour partager sa philosophie à travers une série de conférences et d’ateliers.

Les revenus générés par ces multiples activités ont pour but de financer des programmes de reforestation ainsi que des actions humanitaires, notamment en Inde et au Népal. C’est donc une vision très collective du développement personnel que prône Stéphane Chollet.

L’auto-défense, version pacifiste

Saviez-vous que le fer à repasser est l’arme de meurtre la plus utilisée ? Une chose est sûre, l’homme a le sens de la formule et des images qui frappent. Une quinzaine de personnes se sont réunies en ce samedi matin, dans une vaste salle grise et épurée de l’Espace Humanitum de la rue d’Iberville, pour venir suivre l’atelier intitulé « Auto-défense : comment gérer une agression ». Durant trois heures, il ne sera pas question de feintes habiles ni de méthodes pour trucider ses assaillants à coup sûr. Stéphane Chollet expose longuement ses théories avant de passer à la pratique : le but ultime d’une auto-défense efficace est de désamorcer le conflit et de ne pas avoir à se battre. Pour lui, il s’agit avant tout « d’emmener du rationnel dans une dimension irrationnelle : nos émotions, notre peur. »

L’essentiel est donc de comprendre les mécanismes sociaux de la violence, d’adopter un recul critique vis-à-vis de certains discours médiatiques (tendant à nous faire croire que les psychopathes courent les rues) et de ne pas céder à la paranoïa ambiante. Cette approche résolument pacifiste me surprend agréablement et semble convaincre les autres participants.

Dans une Amérique du Nord brûlée à vif par les dérives de la stand-your-groung law et l’escalade des violences à connotation raciste, cette vision critique de l’auto-défense a quelque chose de rafraîchissant. La pire forme de victoire, rappelle l’animateur, est celle qui aboutit à la mort de son adversaire; la plus honorable est celle qui consiste à transformer son ennemi en ami.

Les exercices ? Pratiqués par groupes de deux ou trois, ils visent à nous rendre plus attentifs à notre environnement, plus assurés dans notre posture (ne pas avoir l’être d’une victime sans pour autant exacerber la tension), et aptes à éviter ou neutraliser une agression physique. Le temps imparti est hélas beaucoup trop court pour assimiler les informations et les techniques présentées. L’atelier se veut toutefois davantage une amorce de réflexion, une graine semée à faire croître par la suite. À midi, le message principal est néanmoins passé : il est nécessaire d’affronter la violence pour mieux s’en libérer. Car « seuls les guerriers sont pacifiques, les autres n’ont pas le choix », résume Stéphane Chollet en citant Sun Tsu.

La sérénité plutôt que la compétition

Sur quoi repose donc l’approche différente promise par Surya World ? « Nous sommes un peu les petits cultivateurs bio du monde du yoga », plaisante Stéphane Chollet, jamais avare de métaphores. Il fustige alors la superficialité et la vanité d’un certain yoga-performance et yoga-fitness à l’occidentale, symbolisé par ces actrices hollywoodiennes qui clament haut et fort vouloir « changer leurs fesses, mais pas leur vie » grâce à la discipline vieille de 5000 ans.

Pourtant, le yoga n’a rien à voir avec la contorsion, affirme celui qui l’enseigne depuis 25 ans. Pour lui, il s’agit avant tout d’ « une pratique spirituelle, axée non pas sur la compétition et la performance des corps mais sur la conscience de ce qu’il y a au-delà des corps. » Le yoga tel que le conçoit Stéphane Chollet est un moyen de créer du lien social et de se sentir mieux intérieurement : c’est un « outil non religieux d’une profonde prise de conscience spirituelle et peut-être d’un changement de société ».

Retrouver le sens profond et l’authenticité de la pratique yogique donc, sortir de ce qu’il appelle notre « condescendance californienne » vis-à-vis de la tradition sud-asiatique. Sans idéaliser cette dernière pour autant; la vocation de Surya World étant de « créer un pont de sagesse entre les civilisations ».

Après l’exposé théorique d’usage, la petite dizaine de participants disposés en cercle effectue une série de saluts au soleil sous la houlette de Claudette Ah-Soon, responsable de la branche montréalaise de Surya World et professeure de yoga, Qigong/Taiji, méditation et massothérapeute en shiatsu.

Stéphane Chollet rectifie les postures, incitant chacun à privilégier l’équilibre et l’ouverture du cœur plutôt que la rectitude et l’esthétique des mouvements à tout prix.

Un peu plus tard, nous sommes invités à effectuer des asanas classiques en deux temps : à la façon « occidentale » tout d’abord, en poussant nos limites physiques à l’extrême, puis en relâchant nos efforts pour atteindre une zone de confort. « Du faire à l’être. »

Encore une fois, la courte durée de l’atelier laisse un petit goût de pas assez. Mais force est de constater qu’une atmosphère de confiance s’installe. Et que, même au bout de quelques heures, les bénéfices sur le corps et l’esprit sont tangibles.

Qu’en est-il de ma réticence originelle ? Certes, Stéphane Chollet parle volontiers de lui, d’autant plus que sa vie de voyageur regorge d’anecdotes rocambolesques. Certes, il occupe l’espace avec un humour et une exubérance toutes latines. Mais ses enseignements –par ailleurs très documentés sur le plan scientifique- débordent aussi de pédagogie, de générosité et d’autodérision. Au lieu d’un trop-plein de narcissisme, je découvre plutôt une grande humanité.

La série d’ateliers atteint son point culminant dans la séance d’initiation à la méditation de l’après-midi. Toujours sur nos tapis de yoga, allongés en śavāsana (position de détente par excellence) tout d’abord, puis en position assise, nous apprenons à relaxer nos corps et nos esprits, les yeux clos, guidés par les voix de Claudette et de Stéphane.

Est-ce le climat d’ouverture et de bienveillance instauré par les deux animateurs ? Ou la détente procurée par les postures du matin ? Malgré ma relative inexpérience en matière de méditation, je glisse avec étonnement dans un état second, où les sensations corporelles s’estompent et les pensées se dissolvent peu à peu. Il y a encore du chemin à parcourir vers la méditation profonde, mais j’en ai entrevu le seuil.

L’exercice de visualisation est particulièrement édifiant. J’ai l’habitude de plaisanter sur la notion de « lieu intérieur où se réfugier pour trouver la paix »; pourtant, lorsque nous sommes invités à nous représenter un endroit significatif et à y inviter mentalement les gens que nous aimons, je n’ai pas spécialement envie de rire. Et lorsque j’entends une participante pleurer doucement, ses larmes font écho à ma propre émotion.

Pas de catharsis collective ou de transe sectaire pour autant : lorsque nous ouvrons finalement les yeux, il se dégage une énergie générale d’apaisement et de force tranquille.

Atelier-yoga
Crédit photo: Surya World Montréal

Suis-je réconciliée avec les gourous du bien-être et la frénésie du développement personnel ? Non, mais conquise par l’approche des ateliers Surya : affranchir les participants, les libérer de la servitude au professeur en leur offrant, comme le souligne Stéphane Chollet dans son langage de globe-trotter habitué aux anglicismes, de l’ « empowerment ».Du bien-être individuel au bien commun.

Xuan Gagneur Ducandas, journaliste indépendante
http://parkssa.com/

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